LES SOURIRES DU SILENCE : « Les Acacias » est un RoadMovie tout à fait particulier dans le sens où il utilise la route bien plus comme objet conceptuel, symbole de l'évolution des personnages à travers le 'récit' et la connaissance qu'ils font de l'autre, que comme apport visuel inclus dans le cadre et le décor. Ainsi c'est le voyage qui domine sur la route, elle, n'étant qu'objet secondaire et d'une importance amoindrie par ce qui passe au premier plan : une histoire, un début d'histoire entre deux cœurs chavirants, chavirés... Cette histoire, elle n'a pas d'existence propre, conçu, matérielle, elle s'immisce dans les regards fixes, les visages qui se tournent, les yeux qui se ferment, les plans, le bruit de l'air, les volutes de fumées, les silences, le sommeil, dans tout, il y a de cette histoire et tant d'autres choses. La rythme, d'une splendide lenteur, en rebutera certainement plus d'un, le manque de parole également et pourtant c'est clairement là-dedans que réside la beauté et la spiritualité de ce long métrage. Chacun des plans proposés, des mots, des bruits, des gestes apportent à la psychologie des personnages et de cette façon à mesure que le temps avance, leur sensibilité se découvre, se relâche ; un geste vers l'autre, une proposition, une demande, un sourire, un attachement. Il s'agit de se laisser apprivoiser pareil au renard du Petit Prince. Mais le vrai coup d'éclat de «Les Acacias » et de ne jamais ennuyer son spectateur ( on a eu tout de même le droit à quelques désistements en cours de route ; Buenos Aires ne leur convenait sans doute pas ), voir de le captiver intégralement durant des séquences sans mouvement ( ou alors uniquement au second plan ), sans musique, sans paroles, sans rien direz-vous ? et bien non, ce n'est jamais cela, tout à sa profondeur dans cette parcimonie de moyen, cette retenue intelligente. Le tout, est, il faut le souligner, remarquablement porté par un acteur principal à la gueule de l'emploi, vieillissant, encore solide, la barbe blanchâtre, le regard lointain de ces hommes qui jamais ne se fixent, asocial, réservé, pas tellement philanthrope et néanmoins un homme bon, humain simplement, sensible au fond, lorsque cela s'exhale de lui, touchant, lorsque ses paupières se plissent au bord des larmes qu'il faut retenir, toujours retenir. Cette évolution d'un personnage 'ourssifié' sur lui-même à un être enfin prêt à s'ouvrir et le reflet majestueux du pouvoir de la route, longue et plein d'enseignements. La solitude est un exil dont il est difficile de revenir pour le voyageur accroché à son léger spleen, ses pauses cigarettes à la tranquillité d'un silence solitaire mais les portes s'ouvrent et le jour arrive enfin où elles ne se referment qu'avec une présence inconsciemment souhaitée, savoureuse... Et c'est bien moins cette route, ces horizons de rouges violacées, ces traits obscurs au loin, ce moteur qui ronronne sans cesse que le sourire d'une femme qui révèle la vraie nature d'un homme, fuyant ses démons intérieurs, ceux que l'on ne peut fuir mais seulement apaiser.