La Fée, le troisième long-métrage du couple Dominique Abel et Fiona Gordon, toujours assisté de Bruno Romy, ne semble exister que pour attester de la symbiose qui lie le tandem aussi bien à la ville qu’à la scène. L’amour, la complicité et le recours à un même référentiel à la fois poétique et burlesque, ce sont indéniablement ce que partage inspire le duo qui réalisa L’Iceberg en 2005 et Rumba en 2008. Mais plus que jamais, le travail de nos trois amis belges se résume à une succession de sketches truffés de gags plus ou moins heureux, de numéros acrobatiques empruntant tant à la gestuelle du cirque qu’à la chorégraphie des ballets, témoignant au passage de la souplesse, pour ne pas dire de l’élasticité, de leurs auteurs. Hélas, le scénario où une fée surgit dans l’existence terne d’un veilleur de nuit, capable d’exaucer trois vœux, paraît bien mince pour captiver. Très vite viennent s’agréger des greffons qui révèlent du coup la minceur scénaristique. De loin en loin, on peut évoquer les figures tutélaires de Jacques Tati ou Buster Keaton, notamment pour le langage des corps caoutchouteux et désarticulés, on peut aussi être touchés par le regard empathique sur les laissés-pour-compte de la société (les trois clandestins voulant rejoindre l’Angleterre ou les soi-disant fous enfermés dans un curieux hôpital où ils se livrent à des parties de cartes surprenantes). Cependant, l’ensemble manque de rythme, la répétition des situations provoquant rapidement lassitude et ennui. Au final, et contre toute attente, ce qui séduit le plus dans La Fée, c’est son parti pris esthétique : tourné au Havre, le film se singularise par ses ambiances en demi-teintes, voire crépusculaires, utilisant au mieux la lumière des bords de mer. Peut-être bridée par le manque de moyens qui l’oblige à produire un cinéma artisanal et bricolé, la triplette Abel, Gordon et Romy peine à renouveler son inspiration. Si l’hommage au réalisme poétique cher à Prévert et Carné transparaît souvent, le manque de liant finit par pénaliser le film. À notre tour, nous émettons des souhaits pour que les sympathiques réalisateurs changent un peu de registre et mettent leur talent au service d’une histoire davantage consistante.