On a tous rêvé un jour de pouvoir revivre sa jeunesse en gardant le bénéfice de l'expérience de la maturité, et en profitant de la connaissance de son parcours pour ne pas recommencer les mêmes erreurs. C'est donc exactement l'expérience que nous propose Noémie Lvovsky... sauf que cette impression de déjà vue est largement partagée par le spectateur, puisque dans ses moindres détails, il revit le scénario de "Peggy Sue s'est mariée", film tourné par Coppola en 1986, soit un an après la période où se situe le retour vers le passé de Camille ! Après tout, on a le droit de faire des remakes, d'interpréter un classique... Sauf que nul part dans le dossier de presse il n'est fait mention du film de Coppola !
Au delà de ma gêne devant ce comportement poivred'arvoresque, parlons donc du film. Pour moi, Noémie Lvovsky actrice présente deux visages : celui tout en subtilité de Madame Campan dans "Les Adieux à la reine " ou de la mère dans " A moi seule", et celui, horripilant, de la mère d'Hervé dans "Les Beaux Gosses". La vision de la bande-annonce m'avait alarmé, l'impression de retrouver le surjeu et les mimiques agaçantes du film de Riad Sattouf s'étant très vite imposée. Pourtant, la critique était unanime, alors...
La vision du film a confirmé mon inquiétude : le principal problème de "Camille redouble", c'est Noémie Lvovsky en tant qu'actrice. Je suis conscient que c'est dur de dire ça, d'autant que je ne remets pas en cause la sincérité et le plaisir évident qu'elle a certainement eu à jouer ce personnage, sachant en plus qu'elle n'avait pas prévu de le jouer, et que c'est son producteur Jean-Louis Livi qui a tout fait pour la convaincre. Très lucidement, Noémie Lvovsky explique : "Je n’ai pas peur du ridicule, en général (rires). Lorsque je joue, j’aime me retrouver dans des situations qui le frôlent. C’est le manque de vérité qui rend le ridicule insupportable. Mes partenaires et moi cherchions à être vrais et la question du ridicule était évacuée." Las ! Cette noble intention ne transparait pas du tout à l'écran, et le too much pousse partout au basculement dans ce ridicule : les dialogues, les situations, les costumes, le décor de la maison des parents récupéré des Deschiens par Yolande Moreau.
Déjà même avant son voyage dans le temps, Camille adulte est une caricature : actrice ratée qui fait des panouilles sur un film gore où elle se fait égorger, femme trahie qui pique une crise hystérique quand elle fait visiter l'appartement du bonheur passé, mère alcoolique protégée par sa fille. Forcément, quand Noémie Lvovsky se retrouve habillée en Karen Cheryl, ça ne s'arrange pas, d'autant qu'elle croise un paquet d'autres personnages outranciers : le prof de français pervers joué par Mathieu Amalric, le prof de théâtre insupportable (comparez avec celui joué par Thierry Frémont dans "Un Ticket pour l'espace", ce sera cruel), le groupe des pétasses qui se moquent de son physique.
Quand le film tente de passer sur le registre de l'émotion, cela ne fonctionne pas toujours, particulièrement vis-à-vis des parents de Camille, trop engoncés dans des stéréotypes, alors qu'il ne manquait pas grand chose pour que Yolande Moreau et Michel Vuillermoz soient formidables, juste un peu de finesse sans doute. Le seul personnage qui réussit à être crédible, c'est celui du prof de sciences joué par Denis Podalydés, qui se trouve le vecteur d'une des rares belles idées, celle de la volonté de Camille de garder un enregistrement de ses parents.
Une nouvelle fois, je reste sidéré par l'enthousiasme de la critique (au Grand Journal, Denizot le présente comme le coup de coeur de la rentrée, et Xavier LeHerpeur explique qu'on n'a jamais vu ça depuis "La Guerre est déclarée", autre film très surévalué). Heureusement, quelques critiques de spectateurs sur Allociné sont venus me rassurer sur la fait que je n'étais pas le seul à avoir succombé à cette hypnose superlative !
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