« Camille redouble », le titre ne laisse rien présager de bien passionnant. Et que l'on se détrompe !
Une nouvelle fois derrière la caméra, Noémie Lvosky a choisi un scénario assez courant au cinéma : celui du retour dans le passé comme voyage-déclic pour ouvrir les yeux sur le présent. On avait à priori déjà vu ça dans quelques chefs d'œuvres comme Retour vers le futur ou La vie est belle, mais aussi dans beaucoup de comédies américaines pas franchement fines.
Mais là, cette intrusion du fantastique est traitée de façon finalement très terre-à-terre, et n'a donc pas grand chose à voir avec ces films. Ce synopsis un peu fantaisiste, c'est un prétexte qu'utilise Lvosky pour se poser des questions. Des questions sur l'amour, sur la jeunesse, sur les choix.
Bref, Camille est une femme qui va mal. Son mari la quitte pour une autre, elle noie son malheur dans l'alcool et n'a plus goût à la vie. Puis elle se réveille un matin dans son lit, à 16 ans. Commence alors son flash-back direction les années 80, où elle retrouve ses 3 meilleures copines, le lycée, et où elle revit la rencontre avec celui avec qui elle se déchire aujourd'hui.
La question se pose alors pour elle : se laisser aller dans les bras de l'Amour de sa vie en sachant toutes les conséquences que cela aura sur son avenir, ou se protéger ? Passion ou raison ? Certes, ces problématiques sont assez démagogiques, voir simplistes, mais finalement assez fondamentales aussi.
Il en résulte un film optimiste et désenchanté, utopiste mais désillusionné sur le grand amour. Étrange cohabitation mais pourtant... Le film est utopiste au sens où il insinue que oui, les âmes sœurs existent et qu'il y a un amour qui marque à tout jamais. Et il est désillusionné au sens où il dit que non, cet amour n'est pas infaillible, mais que si on le savait avant, on ne se laisserait peut-être pas la chance de le vivre.
À ce titre, le choix de Lvosky d'interpréter elle-même son personnage aux deux époques est une idée géniale. Les silhouettes adultes et marquées par la vie de Camille et Eric dans ce monde de lycéens créent un décalage qui a quelque chose de très grotesque et de très touchant à la fois. Mais ce choix dit surtout une chose : qu'ils aient 16 ou 40 ans, ce qu'ils sont en train de vivre fait désormais partie d'eux, et le passé ne peut pas être renié. Pour appuyer cette idée, on a droit à toute une partie symbolique candide mais très bien trouvée, comme cette bague que Camille n'arrive pas à retirer de son doigt.
Bien sûr, c'est une vision de l'amour qui est contestable. Mais elle est présentée avec une fraicheur telle que peu importe si l'on partage cette idée qu'il n'y a qu'un grand amour et qu'il vaut mieux le vivre quitte à ce qu'il fane plutôt que de passer à côté. Ce qui compte, c'est que le film nous transporte.
Parce qu'à côté de ces problématiques finalement bien plus consistantes qu'il n'y paraît, on rit et on respire. Lvosky a presque réussi le tour de maître de Klapisch dans Le Péril Jeune : elle donne envie à ceux qui ont 20 ans de profiter de leur jeunesse, et met du baume au cœur de ceux pour qui cette époque n'est plus que souvenir.
Épaulés par une bande-son parfaite, les acteurs livrent des prestations excellentes. Lvosky et Guesmi font preuve d'une aisance surprenante, car interpréter des ados en fleurs quand on a la quarantaine bien entamée doit demander un travail de recul plutôt ahurissant. Les acteurs secondaires sont aussi d'une spontanéité géniale. On a en plus droit à des guest-star dans des rôles terriblement drôles, de Léaud à Satouff en passant par Moreau. La présence des deux acteurs des Beaux gosses est, elle aussi, hilarante. Décidément, ces deux-là auront été bien servis en rôles ingrats pour l'instant. Les trois actrices qui jouent les meilleures amies de Camille participent également à cette convivialité extrême qui se dégage du film. Elles incarnent chacune un cliché parmi la palette qu'offre l'adolescence, mais permettent du même coup de s'identifier facilement. En fait, si cette bonne humeur est tellement communicative, c'est parce que l'on sent que les acteurs ont tous une auto-dérision folle.
Au final, Camille Redouble est un film extrêmement frais, profond, et sincère. Un film qui propose des interprétations, des visions de l'amour, de la vie, mais pas un film moraliste. On ne tombe absolument pas dans un dénouement manichéen où le retour dans le passé aurait permis de solder comme par magie tous les problèmes d'un couple à la dérive. Non, le message de fin, c'est nous qui le trouvons. Il peut être plein d'espoir, grave, candide, ou nostalgique, dans tous les cas il dépendra de chacun.