S'il y a bien un film qui ose s'affranchir de toute barrière culturelle, ethnique et religieuse, c'est bien celle ci. En effet, "Le Cochon de Gaza" (rien que le titre est alléchant) explose et explore les tabous musulmans, réinvente le conflit Israélo-Palestinien avec humour et délicatesse. Porteur d'un optimisme presque exacerbée et illusoire, ce film métissé (Français-belge et allemand) enchante par sa bonne humeur et sa fraîcheur. Originale, sans concession et très humble, l'histoire qui nous est ici comptée tient davantage de la fable que du réaliste. Un couple palestinien vivant dans la misère, dans un petite bicoque miteuse, jute en dessous d'un poste militaire Israélien; un mari pêcheur endetté, attirant plus de chaussures et de ferrailles que de poissons... jusqu'à que son filet de marin ne lui remonte ... un Cochon! Malheur ou aubaine? Le Cochon, animal impur pour les musulmans, est très convoité par certains riches, dans cette région où son élevage et sa consommation sont strictement prohibés. Bien sur, Jafaar (le mari) va tenter de faire un abracadabrant commerce avec le "Borc" (il l'appelle ainsi au lieu de "Porc"). S'en suit une incroyable aventure mélodramatique, poétique et très farfelue. Certains passages sont hilarants ("la récolte de semence"), d'autres sont plus tragiques, centrés autours de la haine souvent injustifiée qui anime les Israéliens vis à vis des Palestiniens (et vice-versa). Voguant entre cynisme, mélancolie, tendresse et naïveté, Jafaar constitue un héros totalement empathique et attachant, dépassé par cette folle réalité qui le mène à collaborer avec "l'ennemi" , jusqu'à se voir imposer l'étiquette de martyr kamikaze. Durant cette magnifique leçon d'humanité et cette incitation à la paix entre les peuples, Jafaar côtoie des personnages atypiques et touchants. Le sujet est polémique mais son approche est tellement délicate et subtile qu'on oublie rapidement ses appréhensions, se laissant envelopper par cette douce et tendre illusion. Soutenu par une mise en scène travaillée et des acteurs naturels et tous géniaux, "Le Cochon de Gaza" va à coup sur marquer profondément les esprits et attendrir le plus récalcitrant des raciste. C'est une perception du conflit Israélo-Palestinien externe et non ségrégationniste que nous livre ici Sylvain Estibal, à mille lieux de la xénophobie et de l'antisémitisme.
Le final est assez dérangeant et complètement fantastique, comme une sorte de songe venant conclure les folles péripéties de Jafaar et de son Porc Vietnamien, dissimulé tant bien que mal, que ce soit dans la cabine d'un rafiot, charrette artisanale, une baignoire ou un grossier costume de mouton.
Enfin, je tiens à saluer le puissant message que transmet constamment ce film, cette allégorie de l'espoir et de l'humilité entre ces deux peuples en guerre, deux peuples qu'un sanglant massacre tend à séparer mais qui partagent plus d'un point commun.
Burlesque, idéaliste et profond, "Le Cochon de Gaza" vous régalera, que vous soyez musulman, juif, athée ou bouddhiste même! 16.5/20