J'attendais un peu ce film comme le Messi, après l'excellente surprise qu'était *Birdman* l'année passée, le nouveau film d'Alejandro G. Iñárritu, tourné exclusivement en lumières naturelles, dans des conditions extrêmes et des recoins du monde encore inhabités s'annonçait comme une véritable claque cinématographique, d'un point de vue technique et thématique.
Après de longs mois à attendre, la France a enfin eu le droit, plus de huit semaines après le reste du monde (on a eu Star Wars en premier, on peut pas tout avoir), de découvrir *The Revenant* en salles obscures, et je le dis tout de suite, dans les conditions de visionnage pour lesquelles le film a été conçu (impossible d'en profiter pleinement sur un écran d'ordinateur).
Bon, le constat était établit depuis l'apparition des premières bandes annonces : visuellement, c'est exceptionnel. Rarement la nature a été aussi bien filmée. Dés les premières secondes, on est dedans. Iñárritu a choisi une mise en scène dans la continuité de Birdman, dans un virage artistique de 180° pris depuis sa rencontre avec le chef opérateur Emmanuel Lubezki, à savoir l'utilisation récurrente, pour ne pas dire exclusive, de la courte focale, une priorité donnée au plan séquence et une esthétique de la lumière et du cadre léchée. Difficile donc de capter les réminiscences de ses anciens travaux. Tout cela pour en arriver au fait que le film impressionne d'un point de vue purement technique et formel, à dix milles lieues au dessus de ce qui se fait habituellement dans le monde du cinéma (*Mad Max : Fury Road* étant l'exception).
Le soucis étant que cette priorité donnée à l'esthétique a rebuté pas mal de critiques et de spectateurs. J'ai pu moi même constater à la sortie du film que *The Revenant*, effectivement, divise. D'un côté, ceux qui ont été impressionné par le film et n'ont pas vu les 2h30 passer, de l'autre, ceux qui sont passé à coté du parti pris esthétique (ce que je peux entièrement comprendre) et n'ont par conséquent pas réussi à rentrer dans l'histoire.
Sur cette question, j'aurai tendance à me placer au centre. C'est à dire que, de mon point de vue, le film accuse quelques soucis de rythme et n'arrive finalement pas à trouver un tempo "juste". J'entends par là qu'on alterne entre séquences exceptionnelles de maîtrise et de tension et séquences beaucoup plus banales, parfois trop étirées en longueur. De fait, je pense que le film prend parfois trop son temps là où il pourrait abréger et, à contrario, coupe trop rapidement là où on aimerait un développement plus poussé.
Le fait est qu'il faut à présent se poser la question essentielle au sortir d'un film : "que m'a-t-il apporté ?"
Force est de constater que j'ai été véritablement impressionné par *The Revenant*, je suis prêt à lui pardonner ses défauts de rythme et l'attitude de son réalisateur parfois trop "poseur" et conscient de son talent. De plus, je remarque que ces défauts de rythme sont inhérents au cinéma d'Iñárritu, dans *Amour Chiennes* comme dans *Babel* ou *Biutiful*, on passait de séquences incroyables qui nous accrochaient au siège à séquences mineures étirées en longueur.
Je pense qu'il faut seulement savoir à quoi on va s'attendre, mais je serai de mauvaise foi si je ne lui attribuait pas une telle note, parce que ce film reste une oeuvre importante. Il faut que les gens aillent le voir, parce qu'il a au moins ce mérite, c'est de proposer quelque chose de visuellement original, proche du style Malickien mais beaucoup plus abordable pour le grand public, et il est vrai qu'à aujourd'hui, proposer un blockbuster de cette trempe, avec autant de sous niveaux de lecture, c'est pas commun.
Le film n'est pas seulement une histoire banale de vengeance, et ceux qui descendent le film parce qu'il n'a soit disant aucun scénario devraient d'abord apprendre ce qu'est réellement un scénario. Il ne s'agit pas de développer dix-huit sous intrigues et un twist final pour faire un bon scénario, au contraire, parfois, les meilleurs sont faits sur des bases minimalistes, et se jugent à la qualité et à la variété des sous interprétations que l'on peut en faire.
*The Revenant* n'est donc pas seulement l'histoire d'un trappeur attaqué par un ours et laissé pour mort par ses compagnons, c'est un film sur la colonisation de l'Amérique du Nord, sur le rapport de l'Homme à la Nature et sur l'instinct de survie. Bien sûr, le film propose des séquences hallucinantes telles que l'attaque de l'ours ou encore la bataille contre les indiens de début de film, mais ces séquences ne doivent pas être les seules que l'on retient d'un film pareil. Et, au fil de cette critique, je me rends compte que le film est peut-être tombé dans son propre piège, se vendre sur son versant épique et visuel et délaisser le côté "spirituel", pourtant cher au cinéaste depuis ses débuts.
Bref, allez voir ce film, c'est une oeuvre majeure de cette année, et seul le temps nous dira si celui ci fera date dans les esprits. En tout cas, il serait bête de bouder son plaisir devant une oeuvre pareille.