Takeshi Kitano revient au film de yakuzas pour enterrer définitivement le genre, tout comme Eastwood fit un baroud d'honneur au western avec Unforgiven. N'étant pas un spécialiste du film de yakuzas, je ne me risquerai pas à me lancer dans une analyse de la déconstruction du genre. Par contre, je peux dire qu'Outrage, plus qu'un polar efficace et violent, est surtout une formidable tragédie aux relents shakespeariens. Tous les événements en entraînent d'autres, la violence appelle la violence, chacun joue un double jeu, se trahit, cherche à préserver ses propres intérêts voire sa vie, quelqu'en soit le prix. On suit donc avec intérêt cette guerre de clans qui amène lentement à la fin du système yakuza tel qu'il perdura pendant des années pour évoluer vers de nouveaux modes de fonctionnement. La fin est d'ailleurs lourde de sens sur ce point : fini les guerres de gang, l'honneur, les doigts coupés, les tripots pour le blanchiment d'argent, l'avenir appartient à ceux qui pensent bourse, Nikkei, monde des affaires, globalisation. Kitano filme la fin d'une époque et la disparition de traditions au profit de l'adaptation à un nouveau monde sans limites ni frontières où la lutte est d'autant plus violente qu'elle est inégale. Mais certains ne voient pas ce changement de l'Histoire et restent imprégnés de la vieille école, à l'image d'Ôtomo (Kitano absolument terrifiant et charismatique comme jamais), qui sert fidèlement son patron en essayant d'échapper aux coups tordus mais qui sera finalement sacrifié sur l'autel des anciennes valeurs. L'ironie mordante et le cynisme propres au cinéma de Kitano font ici merveille et mettent en emphase la cruauté du récit et de ses protagonistes qui cherchent à survivre dans un monde qui ne veut plus d'eux. Outrage est une oeuvre riche et forte, un véritale maëlstrom qui vous emporte et ne vous laissera pas indemne. Un chef d'oeuvre.