Pour certains, la sortie d'Outrage, le dernier Takeshi Kitano, marque une date importante, celui du retour du cinéaste au film de yakusa pur et dur. Pourtant, on ne peut voir le dernier opus du réalisateur comme une totale réussite, se contentant de n'être justement qu'un simple film de yakusas, sans réelle profondeur.
Outrage se présente donc comme un film à intrigue, avec les multiples rebondissements classiques du genre : doté d'une narration linéaire, il montre les revirements de clans et les vengeances multiples entre yakusas, le tout débouchant sur un nombre impressionnant de tueries. Kitano excèle à filmer les meurtres de manière froide et presque clinique (le terme est approprié lorsqu'un chef de gang se fait broyer la langue par une fraise de dentiste). On constate évidemment sa volonté de montrer l'absurdité de cette mafia, qui ne mène nulle part sinon à la mort prématurée de tous ses membres.
Probablement dans la volonté de préserver cet esprit, le cinéaste ne donne d'humanité à absolument aucun de ses personnages, et par conséquent aucune profondeur. Bien sûr, on connaît le goût de Kitano pour les personnages mutiques, renfermés. Mais ici, ces pantins qui jouent à s'entretuer ne parviennent jamais à nous captiver, voire à nous intéresser, tout simplement. Pas d'intériorité, pas de poésie, pas d'amour non-plus, et ça peut surprendre pour le réalisateur d'Hana-Bi, l'un des plus beaux films du monde. Kitano semble effectuer un revirement, offrant un nouvel univers où les humains ne sont rien de plus que des corps. C'est intéressant, mais ça ne va finalement pas très loin.
On regarde donc ce spectacle de violence, certes très bien fait, que nous propose le cinéaste, sans aucune réaction, sans émotion si ce n'est celle de l'effroi dûe à la cruauté et à l'hyper-réalisme des règlements de comptes. Finalement, Kitano reste entre deux eaux, coincé entre les rebondissement à suspense de son intrigue qui se voudrait captivante, et la froideur du traîtement des personnages, désincarnés, distants du spectacteur. La très belle - mais gratuite - mise en scène ne parvient pas non-plus à sauver ce sentiment de vide, et Outrage laisse indifférent, bien loin de la poésie, de la créativité, de la folie dont est capable Kitano à ses meilleures heures.