Ce qui est bien avec ce film c'est qu'il n'est pas forcément facile à ranger sous une étiquette, ce n'est pas vraiment un film politique, ni un film sur la politique (bien que ça soit le principal sujet), ce n'est pas un drame, malgré des éléments dramatiques, ce n'est pas totalement un film expérimental non plus, il touche un peu à tout, et ça lui confère une âme, une identité.
La première chose qui frappe, est forcément ce début limite expérimental, cette musique métallique semblant issue d'une composition contemporain collant parfaitement avec l'atmosphère du film et y participant pleinement.
On a là un bon film, et ceci pour plusieurs raisons, on n'est pas dans la connivence avec le spectateur en lui surlignant : "hey regarde c'est sarko !", on a le quotidien d'un ministre imaginaire, dans un gouvernement imaginaire, et le cinéma naît de là, on a effacé la réalité actuelle pour mieux faire jaillir le réel des situations. On ne se dit pas : oh mon dieu le réalisateur est un sale gauchiste, ou bien un sale fasciste ou je ne sais quoi, on a un ministre qui a un dossier à traiter, et on voit comment il va faire en sorte de le traiter, retourner sa veste etc.
On avait le film social où l'on était du côté du peuple qui souffre, là on est de l'autre côté. Et c'est tout aussi pertinent.
L'autre grande qualité est la prestation des acteurs, Gourmet est incroyable, comme à son habitude (coucou les césars), Blanc (le seul mec du Splendid avec une once de talent) est épatant lui aussi (mais il a déjà moult fois prouvé sa capacité à tenir des bons rôles chez Téchiné par exemple), on peut parler de Breitman, dont je ne suis pas forcément un grand fan, mais qui apporte une touche de féminité bienveillante dans le film, très appréciable.
Il faut ajouter à tout ceci, un scénario très habile, qui parle à la fois du politique, mais brièvement de la vie privée sans faire un pathos à outrance, le tout sous une mise en scène qui participe à la création de cette atmosphère. C'est avant tout un film à atmosphère je dirai, on est là dans l'attente, l'inquiétude, parfois dans l'action etc.
On voit ces politiques coupés du monde, on dit que le peuple raison d'être méfiant puisqu'il n'a pas le pouvoir, sauf que ces politiques là n'ont plus qu'un seul pouvoir, celui de se retirer du pouvoir, de le donner au privé, ainsi se mêlent des scènes où un employé ne reconnaît pas le ministre des transports, ou bien des scènes où il y a connivence entre le privé et l'État.
Ce n'est pas un gouvernement très heureux, très sain, l'ambiance du film est stressante et malsaine. Mais le personnage de Gourmet reste sympathique, et quelque part on le comprend nous ne sommes pas dans la dénonciation aveugle, il a les bras liés.
Certes le film a quelques défauts, mais il est tellement intriguant qu'il mérite le détour, bien plus que le dernier Clooney sorti à la même date qui est d'un académisme navrant tant dans la mise en scène que dans son propos, on a là un film osé, je ne m'attendais pas à voir ça un jour au cinéma, construit, intéressant, intelligent et qui s'adresse à un public intelligent, et non pas sous forme de clin d'oeils lourdingues.