La meilleure série de tous les temps, et peut être l'histoire la plus passionnante jamais filmée: "The West Wing", of course, my dears. Le président Bartlet est vivant, bien plus vivant que JFK (ça, c'est pas difficile....), Jimmy Carter ou Hilary Clinton. Martin Sheen en a fait un personnage historique...
Peut on rendre palpitante la vie de tous les jours d'un cabinet ministériel? Même quand on n'est pas américain? Pierre Schoeller (que je ne connaissais pas) s'y est essayé avec un certain bonheur, même si, pour rendre sans doute le propos moins aride, il a truffé son film de scènes inutiles, comme le ridicule rêve érotique qui l'ouvre, et qui est aussi grotesque qu'un porno intellectuel tourné par Robbe Grillet dans les années 70. Les vrais rêves, qu'ils soient co-chons ou co-chemars, sont hélas bien plus hirsutes, bien plus dépenaillés, bien moins esthétiques et toc que ce qu'on nous montre là...
Même si j'adore généralement Olivier Gourmet, il se fait voler la vedette par Gilles, son dircab, Michel Blanc. Avec son visage glabre et blafard, celui ci est tellement, d'évidence, un personnage tragique qu'on a peine à imaginer qu'avant d'avoir éclaté dans Monsieur Hire, il ait pu passer ses jeunes années à chercher à conclure dans des rigolarderies de série B. Gilles est un serviteur de l'état à mille pour cent; c'est un pur technocrate, toujours impeccable, toujours dans le ton qu'il faut -mais il ne faut pas lui demander d'assumer une décision qu'il estime contraire au bien de cet état qu'il sert.
Bertrand, le ministre des transports est au contraire flou, arriviste et opportuniste. Et je pense que c'est justement parce que ce personnage n'est pas très bien dessiné qu'Olivier Gourmet semble parfois un peu en dedans de la main. On le prend au moment où le ministre doit aller faire de la figuration dans les Ardennes après un horrible accident de car dont les victimes sont presque toutes des enfants. Où le gouvernement projette un plan de privatisation des gares, auquel le ministre est absolument opposé [Quand on nous raconte qu'aucun parti n'est représenté, ce plan rend évident que Bertrand appartient à un gouvernement de droite] . Et où, dans le cadre d'une opération soigneusement médiatisée, genre opération de la deuxième chance, on recrute Martin, un chômeur de longue durée, (l'épatant Sylvain Deblé qui a une vraie gueule avec son visage buriné et sa queue de cheval) pour remplacer le chauffeur attitré durant ses vacances.
Même si Bertrand adore Gilles, et vice versa, on ne sent pas en eux cette espèce de communion qui existait entre Bartlet et Léo Mc Garry, son fidèle dircab et ami. En tous cas, quand pour la privatisation des gares Bertrand retourne sa veste dès qu'il se rend compte que son avenir politique est en jeu, Gilles ne suit pas. Ce ministre atypique (il n'est pas vraiment sorti du sérail de l'ENA) a tous les défauts du genre; il se croit tout permis: il s'invite chez Martin où il boit comme un trou après s'être fait sermonner par l'épouse de Martin, infirmière, et on voit bien, lorsque la jeune femme tente de lui faire comprendre à quel point les restrictions budgétaires rendent son métier difficile, il ne l'écoute pas, parce qu'il est sûr de lui, parce que l'opinion des autres il s'en fiche; il fait des crasses à un vieux collègues dont il veut récupérer la circonscription; et enfin, il se donne le droit pour gagner du temps, d'utiliser une bretelle d'autoroute non encore ouverte, ce qui causera un accident dramatique.... filmé d'une façon extraordinaire, qu'on se prend vraiment en pleine poire.
Bertrand est il donc antipathique? Oui et non, parce qu'en même temps, il y a son côté humain. Mais, en tous cas, même si on admire sa puissance de travail, il ne fait rien pour rendre sympathiques ces puissants qui nous dirigent.... On est quand même devant un assez triste personnage. Je pense qu'un titre comme Le goût du pouvoir eût été plus adapté pour caractériser ce que ce film nous montre.
Tous les acteurs qui jouent le personnel politique, premier ministre et ministres, sénateurs, sont épatants, en particulier Didier Bezace. N'oublions pas l'excellente Zabou Breitman, en omniprésente conseillère en communication.
Film à voir certes, chef d'oeuvre: n'exagérons rien.... Je vous le dis: c'est un sujet pour amerloques, ça!