Musicien, graphiste, cinéaste, Mike Mills est un artiste touche-à-tout qui a fait ses armes dans le vidéo-clip en mettant en images quelques ritournelles de Blonde Redhead, Yoko Ono ou Air qui lui a d'ailleurs rendu hommage sur son album Talkie Walkie. Après avoir collaboré au Man on the moon de Milos Forman en tant que compositeur, Mike Mills revêt la casquette de réalisateur en 2006 avec Âge difficile obscur (Thumbsucker en V.O.) dans lequel il pose les bases de son style singulier. Sorti en juin 2011 de ce côté-ci de l'Atlantique, Beginners raconte la rencontre entre Anna, actrice en pleine ascension et Oliver, illustrateur original qui tente de se reconstruire après le décès de son père. Construit autour de flashbacks, Beginners oscille en permanence entre passé et présent avec comme marqueur chronologique le décès de Hal, le père d'Oliver. Tandis que le lien entre les deux personnages principaux évoluent, Hal renaît dans l'imaginaire et les souvenirs d'Oliver qui les fait partager à Anna, des bribes d'informations intimistes qui passent essentiellement par l'émotion. Mises en parallèles, les vies d'Oliver et de son père sont à la fois très distinctes et très ressemblantes. Alors que le fils peine à se nouer avec le sexe opposé, effrayé par l'idée d'engagement, son père fait son coming out sur le tard. Ce choix curieux, mal perçu par certains mais réellement original sur le plan scénaristique va se révéler enrichissant pour Olivier qui verra dans la trajectoire de son père un message simpliste et universel : aller au bout de ses rêves et de ses envies sans se soucier des obstacles. A l'instar de la narration recentrée sur le trio d'acteurs Christopher Plummer/Ewan MacGregor/Mélanie Laurent, la réalisation se veut sobre, dénuée de dramatisation superficielle et mise largement sur la palette d'émotion des comédiens qui s'en sortent très bien dans cette configuration. Utilisée de manière économique et toujours judicieuse, la musique s'accorde avec parcimonie à l'ambiance du moment, se contentant d'illustrer les dialogues ou l'état d'esprit des personnages. Les dialogues sont du même acabit et emmènent les acteurs dans des échanges où chacun va directement à l'essentiel sans bavardage inutile ni pathos insupportable. Le début de la relation entre Anna et Oliver est d'ailleurs à cette image, Mélanie Laurent se contentant de gestes et de regards explicites pour amener Oliver là où elle le souhaite. Dans le même état d'esprit, Mike Mills ponctue son histoire de séquences animées ou de scènes au cours desquelles Oliver exerce son talent d'illustrateur, une approche curieuse mais logique d'un point de vue artistique lorsqu'on connaît le travail sur les jaquettes de disques que Mills a réalisé pour They might be giants ou Jon Spencer blues explosion. De ses choix narratifs et esthétiques ressortent une lenteur perceptible, une ambiance particulière qui donne toute sa saveur à Beginners tout en plaçant clairement le long-métrage hors d'atteinte des spectateurs les moins aventureux. Heureusement, la qualité de l'interprétation plaide largement en faveur de cette escapade cinématographique, Mélanie Laurent se révélant parfaitement à l'aise pour donner la réplique à Ewan McGregor tandis que Christopher Plummer est tout simplement épatant en homosexuel converti sur le tard. L'apprentissage des "codes" de cette sexualité est d'ailleurs l'un des aspects les plus intéressants de ce film, Mills optant pour de grosses ficelles universelles sans toutefois tomber dans la caricature. Malgré quelques lourdeurs scénaristiques et une lenteur qui peut rebuter, Beginners séduit par son sujet et le traitement de celui-ci avec un mot d'ordre clair : stylistiquement minimaliste mais émotionnellement imparable.