Jean-Jacques Annaud, un mec hors normes. Entré dans la carrière avec un film follement original ("La victoire en chantant", que la TV devrait bien nous repasser plus souvent!), suivi de "Coup de tête", capable de réaliser un blockbuster intellectuel ("Le nom de la rose"), il se fait plaisir régulièrement en nous racontant des histoires de (gros) nounours, de (très gros) minous, et, ici, de loups de Mongolie!
En s'emparant du best seller chinois de Chen Zhen (interprété par Feng Shaofeng), il nous donne un beau film écolo, une leçon de vivre en harmonie avec la nature, une leçon de respect des traditions animistes aussi, dans des décors sublissimes, et sans le côté un peu bêbêtement anthropomorphique d'autres films mettant en scène des animaux
Annaud a eu l'imprimatur des autorités chinoises. En ces années de révolution culturelle, les étudiants de Pékin étaient envoyés au fin fond de la cambrousse pour apprendre le Chinois aux ethnies (que les choses sont donc présentées élégamment....). Chen est envoyé en Mongolie, et il a tout de suite un coup de foudre pour ces nomades et leur relation toute particulière avec la nature peu hospitalière qui les entoure. Il y a un ordre de cette nature, immuable. Les gazelles détruisent la prairie en broutant l'herbe. Les loups sont là pour limiter le nombre des gazelles et établir un équilibre. Mais si les hommes tuent les gazelles, alors le loup n'aura plus de quoi se nourrir et attaquera les troupeaux.... Hélas, arrivent les hommes de Pékin qui veulent faire de cette terre riche malgré son climat hostile un petit paradis communiste qui nourrira les citadins. Le chef de district n'est pas gâté dans le film.... ce qui montre, comme le simple fait que le film ait pu se faire d'ailleurs, une réelle ouverture de la politique chinoise.
Pour le Mongol, le loup n'est pas un ennemi; hommes et loups doivent se partager le territoire, sous l'œil de Tengri, le Dieu du ciel. Certes, il faut parfois limiter le nombre de loups en prenant les petits dans les tanières et en les assommant contre des pierres (oh, dur à voir, même si ce n'est évidemment qu'évoqué); mais en même temps, on confie l'âme de ces bébés à Tengri, qui les fera vivre éternellement. En tous cas, on n'humilie pas les loups. Chen est fasciné par ce monde -ce qui ne l'empêche pas de sauver un des louveteaux, de l'adopter, et d'essayer de l'élever comme un chien...
Les images sont d'une beauté extraterrestre. Paysages à perte de vue.... ce lac où des chevaux ont péri gelés dans des postures sculpturales....Il y a des scènes de bravoure, tempête, attaque de loups, chasse aux loups.... [je sens que je vais faire cuistre, mais cette image m'a immédiatement évoque le Cygne de Mallarmé, ce lac dur oublié que hante sous le givre le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui. Ben oui, je suis cuistre. Et alors?] mais l'essentiel, je crois, est le message qui passe: la survie de l'humanité passe dans l'harmonie avec la nature et ce qui y vit. On sort heureux des films d'Annaud; on se sent meilleur!
Les loups de Mongolie dressés pour les besoins du films sont magnifiques, avec leur fourrure blanche dense, leurs yeux expressifs, admirablement filmés. Une seule objection: les petits extraits des tanières se laissent manipuler comme des nounours; on voit donc bien qu'ils ont été élevés, car les petits animaux sauvages ont dès la naissance l'instinct de se défendre, de cracher, de tenter de mordre.... mais ils sont irrésistibles. Les acteurs mongols -la jolie Ankhnyam Ragchaa, le digne Basen Zhabu sont excellents -et très beaux
A voir absolument par tous les enfants de 7 à 107 ans.