Le film débute en 2067, avec une femme âgée qui se souvient de cette époque où les enfants étaient entassés dans de grands bâtiments par groupes de 30 appelés classes ("Je sais, c'est dur à comprendre"), dans la France de 2008/2009, ("je ne me souviens plus qui était Président de la République"). Cette femme, c'est Milana, qui était à l'époque une réfugiée tchétchène de 11 ans, et donc menacée de connaître le même sort que Youssef, à savoir les charters pour remplir les quotas de Besson.
Construit comme un long flashback ponctués de quelques commentaires de Milana en 2067, le film raconte comment la peur de la séparation et de l'exclusion peut être vécue par un groupe d'enfants, ou plutôt une bande, et comment ceux-ci vont tenter de prendre leur destin en main au nom d'une solidarité naturelle. En arrière-plan, on voit comment ces mêmes évènements sont perçus par les adultes, avec toute la palette : Cendrine, mère de famille instinctive pour qui des évidences morales peuvent conduire à la transgression de la loi, son mari, réformiste qui préfère aller voir Daniel Vaillant pour plaider la cause des enfants qu'il connaît, et son frère, bourgeois égoïste qui l'accuse d'instrumentaliser ces pauvres gosses au nom de sa bonne conscience.
Entre ces deux visions, celles des enfants et celles des adultes, Romain Goupil privilégie la première. Il se justifie ainsi : "Je n'aime pas quand le cinéma utilise des enfants pour faire passer des émotions d'adultes, lors qu'on leur met dans la bouche des mots d'auteur qui font rire les vieux." Pour ne pas tomber dans cette caricature, visible encore récemment dans "Le Petit Nicolas" et dans le registre dramatique, dans "La Rafle", il a choisi de tourner à hauteur d'enfants, souvent en plans serrés, laissant les adultes hors champ.
Il a surtout pris le temps de travailler avec ses enfants acteurs, en privilégiabt l'improvisation et le jeu entre eux. Ce travail porte ses fruits, et la principale qualité du film réside dans la crédibilité de cette bande de gosses complices et solidaires. On pense par moment à "L'Argent de Poche" (par exemple la scène de la rose que Blaise n'ose pas offrir à Milana, et qu'il ramène à sa mère), voire à "Au Revoir les Enfants" par cette capacité à témoigner d'une situation difficile tout en relatant avec justesse les émois et les petits bonheurs de l'enfance.
On ne retrouve pas la même grâce dans les scènes adultes, avec des personnages bien caricaturaux (les flics, la mère de Claudio) et des acteurs mal à l'aise (Romain Goupil, Hyppolite Girardot), comme si ces scènes étaient tenues à l'écart du reste du film de la même façon que les enfants communiquent entre eux à l'aide d'une sonnerie de portable à ultrason inaudible pour les plus de 18 ans. Comme dans beaucoup de films ("Welcome", par exemple), la force du juste propos de Romain Goupil se niche plus dans les à-côtés et les subtilités implicites que dans la dénonciation frontale d'une politique inhumaine.
Critiques Clunysiennes
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