Considéré comme l’un des chefs-d’œuvre de son réalisateur, Sidney Lumet (déjà responsable du génial "12 hommes en colère"), "Une après-midi de chien" m’a toujours laissé dubitatif quant à son statut, surtout au vu de son pitch minimaliste. Comment faire du braquage d’un banque un sommet du cinéma des 70’s ? Mais, au final, force est d’admettre que le film n’a pas usurpé sa flatteuse réputation. Car, "Une après-midi de chien" ne se contente pas de suivre le sort des braqueurs et de leurs otages, comme n’importe quel téléfilm lambda. Il dresse un portrait sans concessions du New-York des années 70 qui découvrent le chômage, la violence mais également une homosexualité qui commence à s’afficher. Le décor de cette prise d’otage est donc un des éléments clé de la réussite du film puisque lui offre une crédibilité inespérée et prend le pouls d’une société en pleine mutation. A ce titre, chacune des sorties dans la rue du héros, Sonny est un moment extraordinaire. Mais, plus qu’un conteur de talent, Lumet est, avant tout, un formidable metteur en scène qui magnifie ce huis-clos en limitant au maximum la musique et en accordant une place de choix aux échanges entre personnages (les dialogues sont excellents et très naturels). Mais surtout, Lumet ne craint pas de prendre le spectateur à rebrousse-poil. Et c’est peu dire que l’intrigue est une succession ininterrompue de contre-pied, que ce soit dès le début du film où les braqueurs se révèlent être des amateurs peu organisés (et lâchés par un de leur complice), lors de la révélation des véritables motivations de Sonny (qui veut payer l’opération de changement de sexe de son petit ami) ou, encore, à travers les relations entre les braqueurs et leurs otages, le tout teinté d’un humour inattendu qui réussit l’exploit de ne pas désamorcer la tension palpable tout au long du film jusqu’à son implacable final. L’autre point fort de Lumet, c’est sa capacité à rendre ses personnages atypiques et attachants. Ainsi, il présente le héros Sonny (époustouflant Al Pacino, sur la corde du début à la fin et qui tient incontestablement un de ses meilleurs rôles) comme un braqueur civilisé et attentif au sort de ses otages… mais tente pas, pour autant, de nier sa folie (il harcèle et violente son amant). On est loin du héros américain typique et le spectateur passe le film à découvrir une nouvelle facette de sa personnalité, pour le moins complexe, en apportant des explications à son état (ses conversations avec son amant et, surtout, avec son insupportable femme, sont fantastiques). Il parvient même à éviter le piège du ridicule ou de la caricature homophobe lorsqu’il évoque son homosexualité qu’il traite comme une histoire d’amour normale... ce qui était pour le moins avant-gardiste dans l’Amérique des 70’s. Les seconds rôles sont, également, extraordinaires avec le mutique John Cazale en complice limité, Charles Durning en flic de bonne volonté mais complètement dépassé, James Broderick et Lance Henriksen en flippants agents du FBI ou encore Chris Sarandon en transsexuel terrorisé. "Un après-midi de chien" est donc un très grand film réalisé par un grand réalisateur et porté par un monstre sacré au sommet de son art. Un classique immanquable quoi…