Un excellent film sur la genèse d'un psychopathe. Et une claque particulièrement violente.
Quand on regarde le profil de différents psychopathes dans le cinéma, le trait qui ressort plus souvent est la froideur. Leur coeur est glacé, leur âme semble vide. Ils sont hermétiques à tout sentiment, à tout ce que les autres peuvent ressentir. Ils ne sentent pas leur entourage, ils ne font que marcher en silence au milieu de corps qui leur sont absolument étranger. L'altérité totale, fermée. Rien ne passe entre eux et les autres.
C'est pour percer leur mystère, dans la mesure où il est possible de comprendre ce type de personnage, que ce film a été fait. La mère du jeune en question, Kévin, cherche à comprendre son enfant et où elle a pu échouer dans sa tâche de mère. Mais la tâche est dure
Quand on regarde l'évolution de Kévin, on ne peut s'empêcher de remarquer, à chaque étape de sa vie, que tout ce qu'on peut apporter comme conjoncture sur son cas glisse sur une paroi rigide. C'est en vain qu'on cherche des explications, qu'on lui cherche des sentiments, des apparences d'un petit soupçon de compassion. On cherche des endroits où s'agripper, mais c'est en vain qu'on trouve une prise sur sa muraille de béton. On cherche à le percer, mais c'est à chaque fois pour tomber sur le vide, le vide absolu. Il n'y a rien en lui. Lorsqu'on arrive à entrer dans son univers, on croit découvrir un jardin secret. Eh bien, non, c'est le néant, une sorte de cachot nu et frigorifié. Une carapace sur un esprit vide et congelé. Avec juste, consumant l'espace, une flamme verdâtre de perversité. Un trou noir qui absorbe tout pour ne laisser que le néant des rares particules qui auront réussi à entrer. Un abîme de perversité qui actionne cet être, pour le conduire à faire le mal et rien d'autre que le mal. A tourmenter ceux qui l'entourent. A les faire sombrer dans le néant.
Ainsi, non seulement la mère ne parvient guère à percer son fils, mais quand elle parvient à entrouvrir son esprit ce n'est que pour trouver le vide ou des lueurs furtives de sa perversité. Et dans le même temps, elle doit subir ses vagues de méchanceté, de malveillance pure. L'esprit mauvais cherche à répandre la discorde, la haine. Il souffle le chaud et le froid, monte ses proches les uns contre les autres, va toujours plus loin dans ses jeux sadiques. Il va toujours plus loin dans l'horreur, les autres ne sont que ses jouets. Jusqu'au jour où il commettra l'irréparable. Lassé de jouer, il cassera ses hochets. D'un simple claquement de doigt. Comme si c'était imprimé dans sa tête depuis sa naissance. Sa mère cherchera à comprendre, mais ne trouvera jamais rien dans cet esprit nihiliste.
Dans le même temps, son entourage est d'une telle apathie face à tant de violence et de perversité, que le dénouement ne pouvait être que tragique. Mais c'est ici que se pose la question : le mal ne vient-il pas de la mère. Un enfant né dans une nuit d'orgies à Gomorrhe, une mère tétanisée face à sa grossesse, une mère hébétée face à son bébé, une mère perdue face à son bambin, une mère démissionnaire face à son enfant, une mère terrorisée face à son adolescent. On le sent, si c'est esprit est si froid, n'est-ce pas parce que la mère n'a jamais voulu lui apporter de la chaleur, n'a pas su comment faire ? Si la carapace n'a jamais été percée, n'est-ce pas aussi parce que, paralysé face à l'enfant despote et cruel, les parents n'ont jamais su réagir. Si l'âme est vide, et la flamme perverse, n'est ce pas parce qu'il n'ont pas su l'éduquer, le remplir de meilleures choses. Dans les esprits vides, une simple étincelle peut tout enflammer, jusqu'à conduire à l'impensable. N'est-ce pas parce que sa mère ne l'a jamais vraiment désiré, parce qu'elle n'a jamais pris à coeur sa fonction de mère, que l'enfant a si lamentablement échoué. On a aussi l'impression que la mère ne consent jamais à sortir de sa réserve. Elle vit sa vie, elle refuse d'y laisser entrer son enfant. Pour elle, son enfant est l'altérité absolue. Elle ne peut se sentir elle même en sa présence. Son regard la trouble, les fondations de son esprit tremblent quand il la sonde.
Dans ce dialogue de sourd, la perversité va l'emporter.