Qu’on le regarde comme un drame familiale, une prise de conscience ou bien une leçon anti-conventionnelle, We need to talk about Kevin est dans les deux cas une œuvre qui ne nous laisse pas de marbre tant elle est forte et intense.
Lynne Ramsey signe ici un film à la fois décalé et intriguant, nous plongeant dans une atmosphère pesante et lourde, au bord du dégoût. La caricature des personnages est un atout de taille à mon sens, elle est en parfaite adéquation avec le thème central du film, à savoir : La haine d’un fils pour sa mère, et ce sans raison clairement précisée.
Ce qui choque en premier lieu dans We need to talk about Kevin c’est bien évidemment le comportement du personnage de Kevin, l’exemple parfait de l’enfant sadique, dont la méchanceté semble être sans limite, et qui semble également déterminé coûte que coût à faire vivre un cauchemar à sa génitrice. C’est d’ailleurs sur ce dernier point que réside l’intelligence du scénario, car il ne donne à aucun moment une explication de ce qui a bien pût amener cet enfant à détester sa mère à ce point. En bons spectateurs nous chercherons bien évidemment le pourquoi du comment de la situation, à la fois en analysant la mère mais également le fils et le père, par ce que la situation qui est en train de se vivre à l’écran n’est pas à nos yeux quelque chose de logique, de normal, une dérogation à la règle ultime selon laquelle les liens entre une mère et son enfant sont plus forts que tout. Alors oui c’est vrai que la haine même si elle est un sentiment que l’on juge mauvais, demeure tout de même un sentiment très fort, que l’on décrit d’ailleurs bien souvent comme étant l’exact opposé de l’amour qui lui est un sentiment indescriptible et le plus fort de tous.
Cependant comme je l’ai dit plus haut, nous allons chercher à savoir pourquoi Kevin déteste-t-il Eva, par ce que cette haine nous fascine au final, elle donne presque une dimension mystique au film. Cette analyse que l’on se sent obligé d’entreprendre sur les personnages est en fait le moteur de ce long-métrage, et c’est vers lui que tout converge, tant nos impressions vis-à-vis de la situation, que le ressenti des personnages eux-mêmes, et les conséquences des actions cruelles de Kevin.
Bien entendu on pourra voir plusieurs métaphores de la jeunesse des années 90 - 2000 dans ce film, ou bien encore les reproches qu’une mère peut se faire face à l’échec de l’éducation, ou bien même tout simplement un portrait poussé à l’extrême d’un relation complexe et ambigu entre une mère et son enfant. Il y’a plusieurs façons d’interpréter cette œuvre, à chacun donc de trouver celle qui lui semble la plus logique.
Vous l’aurez donc compris We need to talk about Kevin est un drame, un vrai, une œuvre psychologiquement déconcertante sublimée par une mise en scène à la fois simple mais lourde dans son ambiance générale. Lynne Ramsey nous plonge au cœur du vécu de ses protagonistes principaux, qui sont d’ailleurs interprétés par un acteur et une actrice aux meilleurs de leurs formes. Il faut bien avouer qu’Ezra Miller campe Kevin avec une force surprenante, un démon déguisé en ange littéralement, l’acteur fait merveille. Tilda Swinton que l’on ne présente plus, est une fois de plus sensationnelle, une actrice prudente qui choisit soigneusement ses rôles par ce qu’elle est consciente de pouvoir s’approprier parfaitement le personnage, c’est exactement ce qu’elle fait dans We need to talk about Kevin, elle est le lien entre le vécu de ce personnage et le spectateur qui contemple le drame. Qu’elle fût sorcière pour les studios Disney dans Le Monde de Narnia, ange dans Constantine, une femme qui s’adonne à l’adultère dans L’Etrange Histoire de Benjamin Button, ou bien tout simplement un personnage beaucoup plus proche du spectateur comme dans We need to talk about Kevin, l’actrice fait merveille et joue avec une justesse magnifique. John C. Reilly est un personnage secondaire dans l’histoire, mais ce rôle de père aimant lui va très bien, néanmoins l’acteur fait bien moins sensation ici que dans Carnage de Polanski.
We need to talk about Kevin est donc un film qui mérite d’être vu pour la justesse du jeu de ses acteurs mais également pour la maîtrise pratiquement absolue de son sujet. Une œuvre dérangeante et qui n’a pourtant pas fait beaucoup de bruit…