L'utilisation des ralentis est assez généralement un signe de faiblesse de mise en scène, une façon d'appuyer un effet, une coquetterie inutile et agaçante. Il y a des exceptions, évidemment, et leur fréquence dans Animal Kingdom ajoute encore à la sensation d'assister à une tragédie, grecque ou shakespearienne, comme on voudra. Pour son premier long-métrage, l'australien David Michôd fait très fort, dans un genre ultra visité, le film de gangsters, une histoire de famille dans la jungle de Melbourne des années 80, ville qui est au premier plan et qui partage la vedette avec l'effrayante "mamie", chef de clan (prestation hallucinante de la dénommée Jacki Weaver). Comme Michôd évolue sur un terrain loin d'être vierge, on va lui jeter au visage un certain nombre d'influences : le Scorsese des débuts, James Gray et, tiens, pourquoi pas, Peckinpah, pour la violence éruptive. Mais au diable les comparaisons, le réalisateur australien a son propre style, ce tempo faussement languissant, le "non-jeu" troublant de son héros, ces ralentis déjà évoqués et une mise en scène d'une sobre efficacité. Ajoutons à cela un sens de l'ellipse et du montage qui tue. Certains petits malins auront beau prétendre tout deviner à l'avance du dénouement, la scène finale est ébouriffante. Allez, fondu au noir, c'est le cas de le dire, et générique. Une heure cinquante au milieu des fauves, ça laisse des traces.