Akın, toujours gardien tragicomique des âmes malgré sa popularité grandissante. Des âmes, de la soul donc. Il a toujours fait de la « soul cinématographique » et ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne décroche le pompon musical de ses tours de manège.
Son procédé est toujours le même : un expatrié, un Grec en l’occurrence, qui va préparer et servir ses salades lui-même puisqu’Adam Bousdoukos joue le jeu et met la main à la pâte scénaristique. « Adam », c’est « homme » en turc, et il est celui de la situation. Les métaphores culinaires sont là pour rappeler le thème, réchauffé de Solino (2002), autre preuve qu’Akın reste fidèle à lui-même.
Touillant le conflictuel comme s’il n’existait pas de menu épicé qui ne le soit trop, le réalisateur prouve une fois de plus que l’on peut concilier le feel bad avec le feel bad usant de juste le zeste de z’humour qu’il faut pour se prendre au sérieux mais pas la tête. Pourtant, c’est une manière de totalement s’ouvrir sur le raccourci des résolutions. Chaque partie dramatique est traitée sans être traitée, passée à la moulinette de la figure de style d’une façon récurrente qui est loin d’être orthodoxe.
Alors qu’importe le côté grec, et autemps pour Akın dont la Turquie de cœur ressurgit au moment où l’on s’y attend le moins dans les mains d’un praticien tortionnaire dont les méthodes vont être le doigt surréaliste qui règle le leitmotiv lombalgique affectant Bousdoukos – doigt trouvé aussi de façon très tranchée dans une audace orgiaque qui diversifie encore les types de sourires soulevés par Soul Kitchen. Une niche de crédibilité pour le chef de garde Birol Ünel.
Cette cuisine de l’âme est une éviscération cathartique, un désentripaillement émotionnel, une purée de bras cassés qui est remise au vain mari qu’est ce boyfriend oublieux, cet échoué, poêle à la main, qui joue l’impertinent en terre étrangère, tandis que son frère, poil sur la main, amène ce condiment de conflictuel-réconciliatoire à la Bleibtreu – il y a du tartinesque, pardon, du tarantinesque dans l’air, et ce n’est peut-être pas un hasard si l’acteur a annulé un rôle avec Quentin pour starrer chez Fatih. Il ne devrait rien en regretter.
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