Avant de rentrer dans le vif du sujet, précisons que je n'ai jamais été lecteur de la bande dessinée née de la plume de Jacques Tardi. C'est tout juste si je savais qu'il était question d'une romancière anti-conformiste (voire anar) vivant de rocambolesques aventures dans le Paris du début XXème. Luc Besson a décidé d'en faire la pierre angulaire de son retour au "cinéma classique", après la trilogie Arthur et les Minimoys. Comme association, on ne peut pas faire plus logique, la filmographie du cinéaste étant gorgée d'univers très graphiques reposant sur le plaisir simple du divertissement grand public. Sur le papier, c'est une évidence. Dans les faits, et même si je connaissais pas l'œuvre de Tardi, je suis persuadé que le film en est une piètre adaptation.
Le premier et gros problème réside dans une histoire qui semble mélanger plusieurs arcs sans jamais réussir à les relier de manière convaincante. D'un côté, nous avons la quête de l'héroïne, qui lorgne de très près du côté d'un certain Indiana Jones (tombeau, momie et tutti quanti). De l'autre, une chasse à l'oiseau rare avec un Ptérodactyle qui se réveille d'un sommeil de quelques centaines de millions d'années en pleine capitale française. Entre les deux, une histoire de perte et de rédemption concernant Adèle. Malheureusement, le film n'attrape jamais réellement ses axes narratifs, la narration passant de l'un à l'autre sans que les enjeux puisse se réverbérer d'un côté ou d'un autre. La moitié des personnages secondaires n'a aucune prise sur ce qui se passe et l'autre moitié peut-être évacuée sans préavis (ce que le film fait d'ailleurs, avec un je-m'en-foutisme épouvantable). De là émerge une sensation d'assister à un entrelacement de vignettes qui semblent indépendantes les unes des autres. Un peu comme si on avait reconstitué un puzzle avec les pièces de différentes boites. Nous touchons là à un autre couac d'ordre purement technique.
Si la frustration gagne de plus en plus de terrain alors que les minutes défilent, c'est parce que le potentiel ludique était là mais saboté par un agencement insensé. J'en veux pour exemple deux séquences : celle du téléphone et celle de la prison. La première introduit le ressors comique d'une patate chaude qui passe de la plus haute instance au plus poissard des fonctionnaires. Il y avait clairement moyen d'en faire un moment cartoonesque avec un montage véloce jusqu'à ce qu'on arrive au malheureux Caponi (Gilles Lellouche). Mais non, la séquence s'étire jusqu'à épuiser tout sa charge comique. Plus gênante encore demeure l'interminable scène voyant Adèle s'échiner à s'introduire dans un établissement pénitentiaire. Encore une fois, le choix d'un montage aussi mou torpille un moment qui aurait dû être désopilant, s'il bénéficiait d'un rythme plus resserré (à l'instar du très bon I love you Philip Morris). Deux instants qui reflètent parfaitement l'incapacité d'Adèle Blanc-Sec à être même agréable. Chose qu'on peut également attribuer à l'usage d'une voix-off (inutile) largement reprise d'Amélie Poulain, d'effets spéciaux embarrassants et d'une héroïne antipathique au possible. Fidèle ou non, Adèle est juste pénible dans son écriture et son interprétation (Louise Bourgoin vaut tellement mieux).
L'impression d'un gâchis de talent et d'argent (30 millions d'euros !), qui auraient pu aisément servir à dynamiter un genre pas forcément gâté par le cinéma hexagonal en ce moment. Faute de temps (?), Luc Besson livre une adaptation décousue, sans intérêt et franchement ennuyeuse qui n'a pour elle qu'une poignée de seconds-rôles encore investis. Au niveau de la BD, ça ne doit vraiment pas être reluisant. Et pour le 7ème Art, ça ne l'est guère plus. Il faudra attendre 2011 et l'arrivée d'un certain reporter à houpette sous la houlette d'un certain Spielberg pour nous offrir le rollercoaster qu'un bon film d'aventures se doit d'être. Dommage, parce que 2010 et Adèle aurait pu être une sacrée mise en jambe.