Ca démarre fort, y a du mouvement, des idées, un décalage constant, et le sentiment qu'on va voir un objet insolite. La suite - formellement du moins - ne tiendra pas ses promesses, mais le sentiment de déception n'est pas trop marquant puisque l'ensemble reste de qualité. En fait, il y a une sorte de transfert qui se produit, et l'impressionnante mise en images du début du film semble laisser la place à une autre densité qui contaminerait l'histoire. Au foisonnement plastique initial se substitue un chaos narratif, une avalanche d'informations qui fait qu'on n'y comprend rien. On est largué, mais ça n'est gênant en rien puisque ça ressemble à la vie, dont on ne comprend pas toujours tout non plus. Dès lors il y a quelque chose de fascinant dans ce film, qui d'un côté ( côté visuel ) transpire le cinéma, est dans l'excès permanent, et qui de l'autre ( côté scénar' ) est dans une opération de " non-simplification " des faits que le septième art affectionne tant. Pourquoi expliquer les choses et ainsi, les dénaturer ? Sorrentino montre sans chercher à vulgariser, pour montrer la complexité des relations humaines et surtout politiques.
Le film est intéressant de par sa nature hybride, sa manière de faire se côtoyer des extrêmes ( de les faire se rencontrer de manière explosive même ). Sans trop exagérer, Il Divo c'est un peu Scorsese qui filmerait Le Parrain en s'étant shooté aux films de Tarantino juste avant ( ok j'exagère légèrement ). Mais si on devait rapprocher le film d'un autre, ce serait sûrement Gomorra. Les films ont d'ailleurs été présentés la même année à Cannes, et ils partagent cette même envie de disséquer la vie politique italienne tout en adoptant une approche complexe, ne ménageant rien au spectateur. On regarde ça sans tout comprendre - puisque le film n'insiste sur rien, ne surexplique pas - et finalement on se dit que la vie est aussi comme ça. La vérité est tellement difficile à discerner qu'il faut aussi accepter d'être totalement perdu, et d'être dans cette situation de ne rien comprendre à l'action. Rien de frustrant ici, l'impression laissée est qu'on est traité en spectateur adulte.
A part cela il y a aussi le portrait d'un homme, de l'Italie, du pouvoir politique. On pensait qu'on avait touché le fond avec Berlusconi, mais il faut voir Il Divo pour constater que la corruption et la vilenie ne sont pas l'apanage de notre époque. Le film est clairement désabusé quand il décrit les jeux de pouvoir et la bassesse de ceux qui les font. Il propose par ailleurs un personnage remarquable d'impassibilité, d'insensibilité, qui se calque sur l'impression que l'on ressent parfois, quand on tente de comprendre l'être humain. Mais il ne s'explique pas, c'est peut-être ça le pire.
Coup de coeur immense, qui mérite d'être vu ne serait-ce que pour ses premières minutes.