Julien Leclercq et moi avons tous deux perdu un pari, le même pari : lui croyait miser sur le bon cheval en réunissant Abdel Raouf Dafri et Tahar Rahim pour la première fois depuis Un Prophète, tandis que j’étais persuadée qu’il y aurait un monde fou à l’avant-première. J’ai donc passé trois heures au cinéma : la première à attendre que le film commence en jouant à Robot Unicorn Attack, assise par terre ; les deux suivantes à attendre que le film commence –enfin, que le duo Dafri-Rahim fasse son effet-, assise dans une salle presque vide. Rien. Gibraltar n’a rien, n’est rien : ni un bon polar, ni un bon thriller, ni un bon film politique, ni un bon film social. Il ne produit rien, ne suscite rien : ni suspens, ni tension, ni prise de partie, ni empathie. Quelques phrases le concluent, qui exposent les faits réels :
Duval a passé plus de dix ans en prison, Belimane lui a menti, l’État français l’a abandonné
. Et alors ? Je n’ai rien ressenti pour ce type qui peine à passer pour une victime. Triste indifférence, parce que le film avait beaucoup à tirer de cette authenticité, du label histoire vraie. Mais son potentiel a été gâché par des dialogues mal écrits, des punchlines qui tombent à plat et surtout, un scénario franchement répétitif : à force de transformer ses personnages en arroseurs arrosés, Dafri noie l’ensemble du projet. Gibraltar sonne faux, Gibraltar tourne en rond. Sans fluidité, d’ailleurs : le montage raté et les transitions peu soignées donnent l’impression que les acteurs ne savent pas plus que le spectateur ce qu’ils font là. La plupart d’entre eux sont peu convaincants : Rahim a l’air de s’ennuyer, Lellouche surjoue l’exaspéré… Seul le charme fou de Riccardo Scamarcio opère : Il Nero de Romanzo Criminale sauve le casting. Enfin, la photographie m'a laissée perplexe : ce n'est pas sépia et rétro, mais marron et moche, comme Tolbiac. Mince alors, je ne vais pas au cinéma pour penser à la fac !
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