Après un très convainquant L’assaut, relatant les tragiques évènements de la prise d’otages à bord de l’Airbus Alger-Paris, Julien Leclercq était attendu au tournant. Oui, alors que tout le monde semblait d’accord pour évoquer les qualités du metteur en scène, voilà qu’avec un projet plus fourni, plus ambitieux, le cinéaste se plante. Ce n’est certes pas là un naufrage mais le chaos scénaristique qui prédomine sur Gibraltar achève sa bonne lecture. Peu étonnant donc de voir se crêper le chignon le scénariste et le réalisateur par médias interposés. Oui, il y a là un souci, et si le film n’en n’est pas pour autant dénuer d’un fil conducteur, l’on sent un certain malaise dans la narration. Un fait dommageable du fait que majoritairement, le film n’est pas inintéressant.
Les soucis mécaniques du scénario n’aident en rien le public à s’y retrouver entre britanniques, français, espagnoles, canadiens et américains, n’aident pas non plus lorsque les personnages naviguent entre Gibraltar, Paris, Madrid, le Canada ou encore je ne sais ou. Voilà que même un public averti pourrait perdre le fil et cela constitue sans doute la faille majeure de ce polar somme toute assez classique. Le final est très convainquant, quant à lui, soulevant cette injustice notoire des douanes françaises à l’encontre de l’une de leurs balances. Il est d’abord question d’argent, de services rendus à la République puis rémunérés. La suite verra le français exilés se faire maltraiter par une bureaucratie d’état mal intentionnée, pour le moins. L’on notera également cette excellente séquence post-générique qui revient, en chiffres, sur le fonctionnement du port de Gibraltar, cette enclave britannique entre Espagne et Maroc.
Coté casting, Gilles Lellouch ne surprend pas dans le sens ou l’acteur connaît sa partition, capable du meilleur comme du pire mais ici globalement bon. Il est toutefois étonnant de retrouver là un Tahar Rahim en douanier français, bonne pâte lui aussi mis à mal par sa hiérarchie. En somme, passé sur les protagonistes principaux, beaucoup de monde tourne autour de Gibraltar, aussi bien que l’on s’y perd un peu. Il semble n’y avoir ici qu’un pas entre trafiquants et douaniers, entre badauds, criminels et hommes de loi. Embrouillé, voilà le terme qui qualifierait parfaitement Gibraltar de Julien Leclercq, un cinéaste que l’on pressent meilleur que ça.
Alors que la comédie française est en pleine période de vache maigre, l’on pourra le constater en mettant les yeux sur les bides successifs du genre début 2014, il ne faudrait tout de même pas que le polar français aille lui aussi dans le mur. En espérant voir plus intéressant la prochaine fois, soulevons que Gibraltar aura au moins permis d’élargir notre culture par un petit dépaysement bienvenu et un final anti République qui fait son petit bien. 08/20