Deux jeunes femmes dérangées – une bonne et une postière - sèment la zizanie dans la vie d’une famille bourgeoise.
Bien que transposition de faits divers authentiques je n’ai pas bien saisi le propos de Chabrol dans ce film hélas. Le plus embarrassant est à mon sens le personnage et le jeu d’Isabelle Huppert. Brusque, excessivement intrusif et sans nuance, le personnage devient plat, creux et fiche presque le film en l’air. Agée pour le rôle (42 ans à l’époque), avec ses couettes, son chewing gum, ses outrances et son ultra violence, l’actrice est caricaturale. De plus elle joue souvent vraiment très faux, et souvent aux moments cruciaux, c’est dommage. César vraiment immérité. J’aime beaucoup Huppert pourtant, mais pas dans ce film.
La situation est celle de l’improbable rencontre de deux filles partageant d’être, chacune de son côté, autrice d’un crime sordide pour lequel elle n’a pas été sérieusement inquiétée. Ok on accepte. D’autres éléments du schéma narratif ne manquent pas d’intérêt : par exemple la maîtresse de maison bourgeoise et la postière auraient été concurrentes lors d’un casting lorsqu’elles étaient toutes deux enfants mannequins, selon les dires de la factrice, d’où jalousie de cette dernière. Cette situation est intéressante et pourrait être étoffée mais ce n’est pas le cas. C’est seulement une mention facile, simplette et elle suffit quasiment à justifier le déchaînement de la jalousie destructrice de la postière. L’autre problème est que Jacqueline Bisset a alors sur ce tournage 51 ans, tandis qu’ Huppert en a seulement 42, tout en composant un personnage qui en affiche tout au plus 30. Aussi on voit mal comment tiendrait l’hypothèse d’un règlement de compte en lien avec une pseudo-rivalité d’enfance. C’est le genre de détail, parmi d’autres, empêchant la fameuse suspension de l’incrédulité.
Ledoyen, malgré ses efforts et sa bonne présentation de fifille gâtée à Papa, n’est guère crédible en fille de Jean-Pierre Cassel. Question de taille, de couleur d’yeux et de cheveux sans doute. Même chose pour le « fils » au museau chafouin de Jacqueline Bisset, casting pas idéal je trouve, bien que le garçon joue correctement par ailleurs.
En définitive c’est bien le personnage interprété par Sandrine Bonnaire qui de loin est le plus intéressant et tient le film ensemble. C’est elle qui méritait le César. Sa perfection sage et rigide, sa panique convulsive devant l’écrit, sa transformation en miroir de sa nouvelle « amie », son incapacité à mettre des limites à celle-ci qui l’entraîne dans sa propre folie, et plus encore, les masques qu’elle met sur son humiliation administrée par la fille « de famille » compassionnelle et maladroite puis par le patron bourgeois.
La fin du film est ouverte. A l’issue de l’enquête de police, sera-t-il finalement établi qu’aucune preuve de culpabilité ne pèse sur la bonne ? Tout peut en effet être mis sur le compte de la factrice. C’est ce que l’on souhaite à la bonne, car le personnage est plutôt beau et touchant, dans sa maladresse et sa souffrance, interprété avec retenue et une progression convaincantes.
Cela se laisse regarder. Les décors sont des merveilles, il y a des films dans le film (notamment Noces Rouges de Chabrol dans sa scène la plus mémorable où Piccoli et Audran se jettent l’un sur l’autre dans un étang en Sologne), un rythme satisfaisant et le film est soigné.