"Ed Wood" est un film excellent, subtil et touchant. Johnny Depp campe ce réalisateur détésté avec une grande humilité, convaincu de son talent et obstiné par la réussite, il tente diverses manigances pour arriver à ses fins sans ne jamais réellement parvenir à atteindre son objectif : celui de la postérité. A ses côtés, Martin Landau livre une prestation épatante, surfant sur l'obscure poésie de Tim Burton, en dévoilant les facettes cachées d'un artiste oublié et en proie à la solitude perpetuelle qui attend patiemment une sortie de secours à son désarroi. L'immense cinéaste, auteur d'oeuvres personnelles, se risque à peindre le portrait de Ed Wood, catalogué comme étant le pire réalisateur au monde. Il s'en sort parfaitement bien, avec des scénes intimes dont ressortent des relations amicales ou houleuses captivantes, une photographie sombre mais maitrisée, ainsi que des costumes loin de toute superficialité. Howard Shore n'est pas Danny Elfman. Ainsi, même si le duo Burton/Depp déchire l'écran comme d'habitude, il manque cette touche poétique musicale qui aurait fait de l'oeuvre une pierre angulaire de la filmographie de Tim Burton qui, lui même, n'arrive pas à convaincre totalement la presse outre Atlantique. Néanmoins, les tonalités rythmées et, parfois, émouvantes suffisent à agrémenter l'oeuvre d'une bande sonore sympathique. Scénaristiquement, on revit pas à pas les démarches d'Ed Wood, ses désillusions et ses fantasmes, sa sincérité et son amour pour le cinéma. Seulement, dérriere l'envers du décor, Burton ne progresse pas aussi loin que nous l'aurions souhaité, en passant sous silence les réelles heures noires de son protagoniste, qui basculera dans la dépendance de l'alcool avant de déchoir totalement. Hommage à ce réalisateur culte, non pas pour sa contribution, mais pour son imposture dans le milieu. Finalement, on ressort de cette vision avec de toutes autres ambitions : voir la filmographie tant contestée d'un Ed Wood rejeté. Et, en cela, Tim Burton a presque fait le principal. Donner envie de voir l'irrégardable.