On éteint les lumières, et les ténèbres nous enveloppent. Dans l'obscurité zébrée d'éclairs, la caméra avance lentement jusqu'au cercueil, sur une musique fantomatique et entraînante...Ed Wood peut commencer, après un des meilleurs génériques que Burton ait jamais réalisé aux côtés de celui de Batman Return, et qui se conclut par un travelling arrière centré sur Hollywood à faire tomber en extase tout cinéphile un tant soit peu émotionnel. L'histoire du plus mauvais réalisateur de tout les temps, auquel s’identifie bien sûr Burton. Certes certains de ses chef d’œuvres ont étés traînés dans la boue par la critique, mais ce n'est pas à ce niveau là que le rapprochement s'effectue enter les deux réalisateur : Burton et Wood ont toujours eu du mal à faire surnager leur style et leurs idées au milieu des impératifs aboyés par les producteurs. Et les deux adorent le vieux cinéma fantastique. Hommage magistral à de nombreux classique, Ed Wood foisonne de références. Commençons par la plus évidente : Bella Lugosi incarné par un Martin Landeau extraordinaire – non seulement ils se ressemblent comme deux gouttes d'eau, mais en plus Landeau a su imiter à la perfection la classe de Lugosi. Viennent ensuite Vampira (Lisa Marie fabuleuse), et puis des clins d’œils en pagaille, le nom de Boris Karloff répété une bonne dizaine de fois, une pieuvre mécanique qui nous offre un moment à pleurer de rire (ce fut mon cas !)...Tout l'amour de Burton pour ces vieilleries qu'il chérit tant déborde de l'écran et s'en ressent tellement qu'on ne peut qu'applaudir au chef d’œuvre : à la fin du film, je n'avais qu'une envie, c'était de voir Plan 9 from out space ! Ed Wood est campé par Johnny Depp et restera l'une de ses meilleures prestations si ce n'est pas sa meilleure, en tout cas elle se distingue de tout ce qu'il a pu délivrer par la suite (qui parfois figure comme des dérivés de son rôle de Jack Sparrow...), et son personnage est très attachant. Le thème du travestissement traité à travers lui n'a pas de fonction choquante ou autre, Burton l'utilise afin de nous faire saisir en profondeur la personnalité d'Ed Wood. Cela lui permet par la même occasion de développer une thème issu de ce premier : la double personnalité, que l'on retrouve évidemment dans Batman, mais aussi dans Vincent (son court métrage) et dans The Nightmare Before Christmas. Citons parmi le casting fourni en acteurs très convaincants le retour de Jeffrey Jones après Beetlejuice qui ne fait qu'un avec son mage Criswell hilarant. Techniquement, c'est également une réussite : la photographie est somptueuse, et le choix de tourner en noir et blanc donne au film toute son âme et sa splendeur. La vie d'Ed Wood semble ainsi plus vraie et plus liée au cinéma. Cette vie servie par de multiples scènes qui entretiennent un humour franc et sincère qui nous met sans cesse dans la joie et nous laisse tout sourire face aux réactions des gens autour d'Ed, ce qui a pour second effet de renforcer le poids et la consistance du personnage à nos yeux. D'où les émotions que l'on finit par partager avec lui lorsque les choses se gâtent, la sensation de renaissance après cette rencontre improbable avec Orson Welles, la tristesse à la mort de Bella, et la sensation de pure beauté éternelle face à la bribe de pellicule qu'il reste de ce grand acteur. Enfin, n'oublions pas la composition d'Howard Shore qui vole la vedette à Elflman avec prestance, nous servant un thème magique qui nous porte tout au long du film. Ed Wood est un chef d’œuvre de rire et de larme, un chef d’œuvre de prise de conscience des difficultés de la vie, un chef d’œuvre de cinéma sur le cinéma et qui donne son cœur au cinéma.