A mon goût, ce Ed Wood est le meilleur film de tous les temps. Tim Burton a ici permis à de nombreuses générations de découvrir ce qu'est le cinéma. Non seulement par son film, chef d'oeuvre, mais aussi et simplement parce que cette oeuvre permet de faire voyager le spectateur, de découvrir une époque qui n'est pas la sienne, de découvrir des acteurs et réalisateurs ayant réellement existé, mais une fois de plus, pas seulement. Tim Burton réussi à faire vivre aux spectateurs l'avancée d'un film, son tournage complet, sa production, passant par le scénario, allant jusqu'à la projection.
On sait que Tim Burton a été bercé par les vieux films d'épouvantes, et grâce à lui, certains peuvent en dire autant. J'ai découvert grâce à lui une réelle passion, découvrir qui était Bela Lugosi, découvrir l'intégralité de son talent, inégalable, car immortel.
La direction artistique des acteurs est alors parfaite. Si Johnny Depp incarne à la perfection ce réalisateur ambitieux, envieux, et surtout désireux, Martin Landau campe, lui, le plus beau rôle du cinéma. Prenant une importance grandissante jusqu'à la fin, par sa dominante taille, son accent exploité dans le but de jouer sur l'émotion, ou encore grâce à un jeu efficace de lumières, il s'identifie, s'inscrit et devient Bela Lugosi. Il le joue avec tant de grandeur qu'il est parfois difficile de distinguer l'acteur caché derrière. Coincé entre deux mondes, ce Bela Lugosi présenté ici doit être assez loin du vrai, mais si proche de nous. Qu'il soit dur ("Karloff est indigne de sentir ma merde") ou très émouvant ("Je suis à bout") il parvient à nous toucher et sait nous séduire, comme l'original. On retrouve d'ailleurs cette allusion lorsqu'il explique à Wood comment séduire les femmes, comment les subjuguer précisément.
Bill Murray y parvient, interprétant avec beaucoup de naturel et beaucoup de talent, il se glisse dans la peau de Bunny avec un charme élégant, mis en avant par un maquillage travaillé au plus haut point, de quoi rapporter un Oscar, chose faite. Ce maquillage investi chaque personnage, s'attardant sur chaque détails, travaillant aussi bien au niveau des coiffures qu'au niveau des yeux ou des lèves, surtout pour Bunny, cette minutie du travail est une grande qualité de Tim Burton, et elle se ressent grandement dans le soucis du détail.
Chaque dialogue est travaillé, rien n'est dit au hasard, allant de la réplique d'Orson Wells "il faut se battre pour imposer ses visions" à "ne pas s'attarder sur le détail, c'est la vision d'ensemble qui compte", deux phrases opposées et très commodes pour Burton, quand on sait qu'il s'est battu pour tourner en noir et blanc, et qu'il est un acharné du détail...
Détails observés sur les décors, riches et réalistes, pour la maison de Lugosi, aussi sombre que sordide, ou encore pour les reconstitutions des plateaux de tournages, fidèles à la poussière près, et toujours grandis par une musique toujours en adéquation avec la scène.
Prenons l'exemple de la scène "Tirez les ficelles", grandement marquée par l'intonation musicale, qui parait ridicule lors du visionnage du film, alors qu'elle est sublime auparavant. Ou encore, lors du monologue de Lugosi dans la rue, ici encore, marqué et encré.
Mais ces intonations musicales ne font pas tout, le plus frappant est la musique du Lac des Cygnes, revenant lorsque Lugosi est au plus bas. Reprise tout à fait sensationnelle, quand on sait que Lugosi a passé sa vie enfermé dans le rôle de Dracula, qu'il n'a jamais pu s'en sortir, et que cette musique est elle même l'ouverture du film Dracula, à partir de là, je ne peux que lever mon chapeau.
Finalement, Burton a réussi a donner une bonne image du réalisateur Ed Wood, il a réussi à le rendre sympathique, et c'est aujourd'hui cela qui ressort de ses films, de la sympathie, du talent acharné luttant contre un budget dérisoire. Cette oeuvre est une vision optimiste de l'échec, nous faisant prendre parti de ce pauvre homme, n'ayant guère les moyens de parvenir à réaliser ses rêves, jusqu'à la fin, ou, on admet qu'il a réussi, sur une touche d'humour décalé, lorsqu'il s'exclame "passer à la postérité" avec son Plan 9 from outer Space, merci m'sieur Burton pour ça.
Une fois de plus, à mon humble avis, il s'agit du meilleur film de tous les temps, mettant de nombreuses stars en scène, avec grandeur et couleurs (noir et blanc, deux ça fait pluriel). De quoi nous transporter, sans jamais pouvoir nous ramener, et en gardant toujours, un souvenir inoubliable.