Le Jour se lève est un très bon film, qui, à l’instar de beaucoup de métrages anciens, séduit par sa simplicité, sa sobriété. On sent que le coût de la pellicule n’était pas le même, et c’est agréable de voir un métrage débarrassé de séquences inutiles, vaines, alourdissante. Attention, je ne dis pas du tout qu’on tient un chef-d’œuvre, car je sens aussi que le film a fait la dispense de scènes utiles à l’histoire.
En effet, malgré les qualités d’écriture de cette histoire, aussi simple que prenante, jouant à la fois la carte du film en flash-back et du huis-clos théâtral, on pourra regretter de voir des rôles féminins, surtout celui de Jacqueline Laurent, bien peu exploités. Etonnement au cœur de ce drame, les femmes paraissent continuellement en arrière-plan, et du coup on peut avoir du mal à comprendre certains tenants et aboutissants de l’histoire. Les histoires d’amour, la relation qui se noue entre Gabin et Arletty, et le final, puisque le geste de Gabin paraît finalement peu justifié. En somme, Carné mène très bien son récit, mais en délaissant les personnages féminins, la force des sentiments, et l’amour qui guide cette histoire, ne sont pas aussi marqués qu’ils auraient dû, logiquement. Quelques belles scènes romantiques, notamment entre Gabin et Laurent, mais c’est dans la longueur, l’installation des sentiments et leur rôle qui n’est pas très bien traité.
Cela étant, le casting est là, solide et bien utilisé. Gabin trouve un rôle à sa mesure, auquel il impose son charisme, sa force, et il convainc largement. Rien à redire, c’est un acteur qui, lorsqu’on lui donne quelque chose à défendre le fait avec une habileté et un naturel déconcertant. Face à lui Jules Berry est plus dans la discrétion, jouant un personnage plein de malignité, et je dois dire qu’il a un jeu très séduisant, très fin. La présence de la truculente Arletty et de la charmante mais assez tiède Jacqueline Laurent sont des atouts, mais il faut avouer que ça fait d’autant plus regretter que les personnages féminins ne jouent pas davantage un rôle de premier plan.
Sur la forme, Carné offre comme de coutume un film très soigné et réussi. Très bons choix de décors, un noir et blanc contrasté qui donne la part belle aux recherches d’éclairages et de lumière, et puis l’excellence de la mise en scène. Tout est soigné, avec des séquences que l’on sent murement pensées, murement construites, à l’instar de cette superbe fusillade des hauts des toits, de cette insistance sur les regards, et de cette capacité de tourner dans cette chambre sous les toits. Un film aux allures théâtrales n’a de mérite que s’il fait oublier qu’il n’est pas une pièce de théâtre, et Le Jour se lève est de ceux-là.
En conclusion, voilà un très solide film qui mérite sa réputation, même s’il n’est pas forcément très connu au sein de la filmographie de Marcel Carné. Il est vrai que ce n’est sans doute pas son meilleur film, handicapé par des personnages féminins trop délaissés, sans doute aussi par une fin un peu inférieur à ce que l’on était en droit d’attendre, à la fois dans la justification du geste, et dans le caractère inéluctable de l’épilogue. 4