"Un Plan simple" est considéré par beaucoup comme le chef d'œuvre de Sam Raimi. Un peu au creux de la vague depuis l'échec de "Mort ou vif" (1995), l'ex-jeune prodige arrive sur le film alors que le projet tout d'abord entre les mains de Mike Nichols est ensuite passé successivement dans celles de Ben Stiller, John Dahl puis John Boorman qui finira par se désister pour raison d'agenda. Malgré tout, Boorman a eu le temps d'imposer Bill Paxton et Billy Bob Thornton pour incarner les deux frères Mitchell, personnages principaux de cette adaptation du premier roman éponyme de Scott B. Smith paru en 1992. Raimi aborde certes un genre qu'il ne connait pas mais le scénario magnifiquement agencé par Scott B. Smith va grandement l'aider à trouver ses marques. Dans une campagne reculée du Minnesota prisonnière du froid, le destin jusqu'alors sans histoire d'Hank Mitchell (Bill Paxton) va basculer alors qu'il se rend sur la tombe de sa mère avec son frère Jacob (Billy Bob Thornton) accompagné de son ami Lou (Brent Briscoe). La découverte d'un petit avion écrasé puis enfoui sous la neige, contenant une mallette pleine de billets de 100 dollars va s'avérer être la pire chose qui pouvait arriver aux trois hommes. Le résultat désastreux étant annoncé en préambule par Hank via une voix-off, tout le travail de Sam Raimi va être d'orchestrer de la manière la plus captivante mais aussi la plus déjantée (on ne se refait pas), la descente aux enfers des trois hommes et de leur entourage. Le caractère complètement asocial et imprévisible de Jacob permet au réalisateur et à son scénariste d'imaginer sans trop de difficultés tous les retournements permettant de relancer l'action. Le film ne se prive pas d'en user quelquefois au détriment de la crédibilité du propos. Mais Raimi toujours malin et sachant rendre chacun de ses personnages intéressants voire attachants, il parvient à rendre imperceptibles les quelques défauts narratifs de ce "Plan simple" qui s'avère en réalité très compliqué. De proche en proche consécutivement à l'hécatombe que provoque cette mallette aux billets "empoisonnés", émerge une morale qui offre deux lectures possibles. La première basée sur le proverbe affirmant que "tout bien mal acquis, ne profite jamais", indique qu'Hank aurait mieux fait de se satisfaire d'une situation personnelle somme toute assez enviable. Imprudent et aveuglé par l'appât du gain facile, il s'est enferré dans tous les pièges qui se présentaient à lui. Cerise sur le gâteau, il s'est révélé à lui-même sous un jour peu reluisant tout comme pour son épouse (Bridget Fonda). De manière plus politique, Scott B. Smith sous-entend peut-être que les gens de modeste condition doivent rester à la place qui est la leur, la simple vue de l'argent leur faisant perdre tout sens commun. A chacun de se faire son avis. De son côté la critique a suivi Sam Raimi, louant sa maîtrise technique, son audace et sa direction d'acteurs. Ce ne fut malheureusement pas le cas du public, le film peinant à couvrir son budget. Grâce à ce film et au portrait tout en nuances qu'il trace des deux frères Mitchell, Sam Raimi laisse apparaître une face sombre et mélancolique de son talent qu'on ne lui connaissait pas. Fort de cette expérience enrichissante il l'a mise à profit pour brosser les portraits saisissants des personnages de méchants de la Saga Spider-Man (Willem Dafoe, Angel Molina, Topher Grace). Le film est de manière un peu incompréhensible tombé dans l'oubli. Il convient donc de le redécouvrir urgemment.