Dans ce film qui revêt une connotation historique, Christian Carion se fixe pour objectif de retracer le parcours de Vladimir Vetrov (responsable de la section du KGB de l'Europe occidentale), un colonel du KGB déçu par le régime de l'URSS durant la période de la guerre froide. Ronald Reagan qui était le président des États-Unis à ce moment-là, considérait lui-même que le dossier Farewell (Farewell était en réalité le nom de code du lieutenant-colonel Vetrov) était "la plus grande affaire d'espionnage du XXe siècle". Pour arriver à ses fins, le réalisateur français s'est donc inspiré de témoignages recueillis auprès d'anciens responsables soviétiques, français et américains, qui ont officié (à cette époque) dans le secteur de l'espionnage. Le film met notamment en lumière les méthodes utilisées par le colonel soviétique (Emir Kusturica) afin d'aborder un ingénieur français, Pierre Froment (Guillaume Canet), affecté à Moscou (pour le compte d'une entreprise française). Il espère ainsi transmettre des documents soviétiques hautement confidentiels à la DST (par l'intermédiaire de microfilms), en utilisant, précisément, l'expatrié français. Vetrov (rebaptisé Sergueï Grigoriev dans le film) enseigne à Pierre Froment des techniques élémentaires afin de ne pas se faire repérer par les services secrets soviétiques (dont les agents sont omniprésents dans les rues de Moscou), car il est bien évident que le colonel risque sa peau lors de chaque conversation (et rencontres) avec Froment. Les points forts de ce long-métrage résident notamment dans l'URSS des années 1980, dont les particularités sont parfaitement reconstituées pour l'occasion, ainsi que dans la performance exceptionnelle d'Emir Kusturica qui excelle dans son rôle. Le réalisateur parvient à communiquer au spectateur une tension permanente, et rappelle (sans cesse) que les deux personnages principaux évoluent dans un environnement où chaque geste (ou manque de précaution) peut s'avérer fatal. L'acteur d'origine yougoslave, Emir Kusturica (connu également en tant que cinéaste), est particulièrement convaincant et impressionnant de réalisme lors des terribles scènes de torture orchestrées par les agents soviétiques (seul bémol, Guillaume Canet ne semble pas toujours à son aise). Les seconds rôles sont parfaits, que ce soit Niels Arestrup (Vallier), Fred Ward (Ronald Reagan) ou Willem Dafoe (Feeney). À défaut d'être un chef-d'œuvre, "L'Affaire Farewell" reste un film sobre et efficace, le pari de Christian Carion est donc globalement réussi.