3sur5 En 2005, au-delà des potaches Guignols de l'info ou du Canard Enchaîné, les trublions de la politique ne sont légions, c'est même morne plaine en France. La machine démocratique, sur ce point, a toujours été molle, laissant leurrer la subversion présumée de quelques provocateurs auto-proclamés (cherchez au sein du PAF). Karl Zéro est de ceux-là, néanmoins, lorsqu'il concocte avec Michel Royer (spécialiste des archives télévisuelles, collaborateur de son émission ''Le Vrai Journal'') Dans la peau de Jacques Chirac, il est bien le premier à emmener le cinéma vers le commentaire politique ; qui plus est, sa cible est un président en exercice. Pas spécialement impressionnant à cette époque, et pourtant, quand on se penche sur l'histoire nationale : à l'exceptions de quelques incartades dissidentes et socio-métaphoriques, c'est une première. Il n'y a pas lieu de s'en indigner, mais notons tout de même que Zéro reçoit peu de soutiens et quittera, dans la foulée, l'antenne de Canal . Avant Being W ou l'Homme qu'on avait foutu là ; Chirac, l'homme qui passait par là et qui, par la plus heureuse des combinaisons : passait foutrement bien ! Zéro a décidé de faire apparaître Chirac comme une sorte de produit a-politique, une girouette opportuniste et conciliante, bref, un carriériste et technocrate habile, avant tout. Le film en lui-même ne révèle rien : montage d'archives animé par la voix de Didier Gustin (sur un texte co-écrit par Zéro & Eric Zemmour), il fonctionne en tant que piqûre de rappel et revisite le parcours du personnage pour dévoiler toutes ses contradictions, frisant perpétuellement l'absurde : Chirac prône, dit tout et son contraire, mais jamais dans le fond il ne semble avoir évolué, jamais la moindre nuance n'est venue s'introduire à son discours (sinon pour le revirement total, en fonction du mouvement de la France et de son opinion publique). L'intérêt de ce portrait, globalement très drôle, tient à sa façon de vérifier et de poser, une fois pour toute (et pour la postérité), l'évidence que Chirac n'était effectivement rien d'autre que le chantre de l'immobilisme. Engoncé derrière les tics et apparats les plus consensuels de la Ve République, on s'en doutait, qu'il était le Président passe-partout par excellence (à l'inverse d'un Sarkozy ou même, dans une moindre mesure, de Giscard et Mitterand). Tellement passe-partout justement, tellement lieutenant docile et formel, qu'il finit par intégrer le poste suprême (un Michel Drucker échelle maximale, en gros). Mais c'est bien connu : le peuple (ou le public en général) préfère les extravertis, qu'importe si leurs gesticulations n'ont ni sens ni cohérence. Retenez ça : se fondre dans le décors tout en ayant l'air de bien déborder et de lui rendre ses couleurs. Indéniablement et de quelque bord qu'on s'estime, la France a perdu son temps avec Jacques Chirac.
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