« ça va te sembler étrange mais c’est la première fois de ma vie que je me sens bien dans ma peau. Je te jure que c’est vrai, c’est merveilleux d’être avec des gens comme vous. »
Introduit par le prisonnier ayant vécu cette histoire, adaptée du roman de José Giovanni qui était son compagnon de cellule et complice, ce « Trou » capte immédiatement notre attention par son réalisme total, prélude à la Nouvelle Vague (« Le trou » fut encensé conjointement par Truffaut et par Melville, fait rarissime). Dernier film de Jacques Becker, c’est aussi le premier de Michel Constantin. Les autres acteurs, à l’exception de Philippe Leroy-Beaulieu (le papa de Philippine), n’ont pas connu une carrière extraordinaire mais leur jeu, naturel, les rend particulièrement attachants.
C’est d’ailleurs le terme qui convient le mieux à cette fresque carcérale en huis clos, ce film au titre en forme d’abyme lexicale : attachant. La principale qualité en est la solidarité. La solidarité et l’intelligence. Et pourtant, sans scènes de violence (à l’exception de deux paires de baffes échangées), de bagarre, de pétages de plomb, sans rebondissements hors action principale, ce genre de film est quasiment impossible à regarder sans tomber dans le sommeil profond. Rien de tout cela ici, tant la précision du scénario (rappelons-le, une histoire vraie, écrite par un de ses protagonistes et jouée par un autre) et de la réalisation, en plans fixes, courts, coupés, en plans séquences, est redoutable d’intelligence et tient en haleine, porte en elle-même la tension propre à l’histoire. Notre regard reste constamment scotché à l’écran et notre cerveau ne peut que suivre les détails de l’image. C’est grandiose !
Deux heures durant, on suit ainsi le laborieux cheminement de cinq détenus unis par une sorte de solidarité humaine et virile, osons le mot, en forme de quête initiatrice pour chacun d’eux : Geo le costaud qui pense à sa mère ; Roland, le cerveau qui anticipe minutieusement le moindre détail ; Manu le bourru, la forte tête ; Vosselin, Monseigneur toujours le mot pour rire et Claude Gaspard le petit bourgeois qui trouve, à vivre parmi les quatre autres, une colonne vertébrale, comme un but à sa vie, un sens existentiel. Chacun à sa manière, chacun avec son style, les cinq acteurs sont excellents de naturel et Philippe Leroy-Beaulieu tout simplement prodigieux.