Quentin Tarantino n’est pas étranger aux hommages. Dans Boulevard de la mort, il pousse son obsession pour le cinéma grindhouse à un niveau inédit, livrant une œuvre qui alterne entre séquences viscérales et passages exagérément verbeux. L’intention de recréer l’expérience chaotique des films d’exploitation est évidente, mais le résultat, bien que fascinant, ne parvient pas toujours à captiver.
Dès les premières images, Tarantino imprègne Boulevard de la mort d’un style visuel distinctif : grain de pellicule volontairement abîmé, sauts de montage, et une palette de couleurs évoquant les années 70. Ces choix renforcent l’authenticité de l’hommage et plongent le spectateur dans un univers qui semble tout droit sorti d’une bobine usée. Cependant, cet esthétisme calculé peut devenir répétitif, et à mesure que le film avance, il perd de son impact initial.
Tarantino a également choisi de diviser son film en deux actes distincts. Cette structure, bien que rafraîchissante sur le papier, révèle des déséquilibres dans le rythme. Le premier acte, dominé par des conversations interminables, met à l’épreuve la patience du spectateur, tandis que le second compense avec une montée d’adrénaline qui arrive peut-être un peu trop tard.
Kurt Russell brille dans le rôle de Stuntman Mike, un tueur en série atypique dont l’arme est une voiture modifiée pour résister aux accidents. Russell excelle dans ce rôle de prédateur à la fois charismatique et glaçant, rendant Mike fascinant malgré ses actes abominables. Son aura de star d’antan apporte une profondeur unique à un personnage qui aurait pu être réduit à une simple caricature.
Cependant, le reste du casting peine parfois à rivaliser avec cette intensité. Zoë Bell, jouant une version fictive d’elle-même, est un point fort indéniable. Sa présence et ses compétences de cascadeuse apportent une authenticité rare aux scènes d’action. Pourtant, les dialogues entre les personnages féminins, bien qu’ancrés dans la tradition tarantinienne, s’étirent trop souvent en conversations peu pertinentes qui ralentissent considérablement l’histoire.
Si Boulevard de la mort souffre de lenteurs, ses séquences de poursuite sont absolument remarquables. Tarantino a délibérément évité les effets spéciaux numériques, préférant des cascades réalisées en direct. Cela confère aux scènes d’action une intensité viscérale qui se ressent dans chaque impact, chaque crissement de pneu. La scène finale, où les héroïnes traquent Stuntman Mike, est un modèle de tension et de chorégraphie automobile.
La séquence de « Ship’s Mast », où Zoë Bell s’agrippe au capot d’une voiture lancée à pleine vitesse, est un point culminant du film. Ce moment, tourné sans artifices numériques, illustre parfaitement l’engagement du réalisateur pour une expérience cinématographique brute. Ces instants sont mémorables, mais trop rares pour équilibrer les longueurs ailleurs.
L’intrigue de Boulevard de la mort est volontairement simple : un tueur sadique traque des femmes avant de tomber sur des victimes prêtes à riposter. Ce schéma, divisé en deux arcs distincts, fonctionne à un niveau thématique, mais manque de variété pour justifier les 127 minutes du film en version étendue. Si les dialogues sont souvent la force de Tarantino, ici, ils s’étirent jusqu’à affaiblir l’élan narratif.
Le premier acte, qui suit un groupe de jeunes femmes traquées par Mike, se termine par une scène d’accident spectaculaire, mais les conversations qui précèdent n’apportent que peu de substance. Le second acte, plus rythmé, compense légèrement avec un duel palpitant entre Mike et un nouveau groupe de femmes, mais il est difficile de ne pas ressentir que le film aurait gagné à réduire son temps de parole au profit de l’action.
Tarantino est un maître lorsqu’il s’agit de revisiter les genres cinématographiques, mais Boulevard de la mort n’atteint pas les sommets de ses œuvres précédentes comme Pulp Fiction ou Kill Bill. L’attention portée à recréer l’ambiance des films grindhouse est admirable, mais cet hommage trop fidèle finit par reproduire également leurs défauts : un rythme inégal, des dialogues superflus et une intrigue trop étirée.
Cela dit, le film offre des réflexions intéressantes sur le pouvoir et la revanche. Stuntman Mike incarne une masculinité déclinante, tandis que les héroïnes du second acte symbolisent une nouvelle ère, prête à riposter. Ce contraste, bien que parfois mal exploité, confère au film une profondeur thématique qui dépasse le simple exercice de style.
Boulevard de la mort est un mélange étrange de génie visuel, de performances marquantes et de lenteurs frustrantes. Quentin Tarantino y démontre une fois de plus son amour pour le cinéma et son talent pour créer des moments inoubliables, mais il semble ici se perdre dans son propre hommage. Si les amateurs de grindhouse et de cascades audacieuses trouveront de quoi se réjouir, le film reste une œuvre inégale qui, malgré ses points forts, peine à maintenir une tension constante.
C’est un projet fascinant et audacieux, mais qui manque de concision pour vraiment convaincre. Boulevard de la mort est à la fois un triomphe et une déception, un voyage chaotique qui, bien que captivant par moments, aurait pu bénéficier d’une approche plus resserrée.