Bien qu'il n'en soit qu'à son sixième film, n'importe qui peut reconnaître le style Tarantino : personnages archétypaux, scénario alambiqué avec une chronologie chamboulée, dialogues absurdes, citations nombreuses des films-cultes des genres mineurs du cinéma, BO composée de reprises décalées de vieux hits, et surtout, un sens du rythme basé sur l'alternance de séquences paresseuses et de brutales explosions.
Les personnages ultra-typés sont là, mais ils n'émargent que dans deux catégories : le psychopathe adepte de l'homicide véhiculaire, et la constellation de bimbos écervelées. La faute à un argument aussi épais qu'une feuille OCB, et qui ne laisse pas la place à de réelles surprises. Du coup, Tarantino comble le vide de l'action par une surrenchère de tchache ; rappelez-vous de la scène du Big Mac avec Travolta et Samuel Jackson dans "Pulp Fiction", remplacez les deux flingueurs par trois cagoles, multipliez le tout par dix, et ça vous donnera une idée des trois-quarts du film. Si comme moi, vous commencez à décrocher, une alternative : comptez le nombre de motherfucker à la minute.
La raison d'être de "Boulevard de la Mort", c'est le plaisir de l'exercice de style, de l'hommage aux nanars que le jeune Tarantino dévoraient dans son videoclub. Dès le générique, il donne le ton : couleurs criardes (Color by De Luxe, nous annonce-t-il), musique seventies, rayures, scratchs et sautes d'images, nous sommes bien devant un film vieilli en laboratoire, jusqu'à la présence de l'acteur fétiche de John Carpenter, Snake Plissken himself ; et l'on est surpris au bout d'une demi-heure de voir Julia pianoter sur un téléphone portable, tant on avait l'impression que l'action datait d'au moins deux décennies.
Les citations pullulent, à commencer par celle, explicite, du road movie de Richard C. Safarian, "Point Limite Zéro", auquel les héroïnes de la deuxème partie de ce revenge movie empruntent la Dodge Challenger blanche. D'autres sont plus subliminales, comme le t-shirt Badass Cinéma de Shanna, l'affiche "Soldier Blue" dans la chambre d'Arlene, ou l'apostrophe "Zatoichi" adressé à un personnage. Tarantino en arrive aussi à se citer lui-même : la mustang jaune et noire des filles de la deuxième partie est une évocation de la tenue d'Uma Thurman (elle même citation de celle de Bruce Lee dans "Le jeu de la mort"), les pieds d'Abernathie sont le pendant de ceux de Beatrix Kiddo à son réveil dans "Kill Bill", jusqu'à la sonnerie du portable de la même Abernathie, qui n'est autre que "Twisted Nerve", l'air que sifflote Darryl Hannah quand elle arrive à l'hôpital...
Bien entendu, même dans un Tarantino un peu en deça, il y a quand même plein de choses à glaner, comme la brièveté et la violence du premier accident survenant après une heure de logorrhée, certaines répliques ("-What do you scare ? It is my scar ? -No it's your car." ), certains détails comme le bouchon de radiateur en forme de canard conquérant, et encore et toujours un choix de musiques décoiffant, avec mention spéciale pour la reprise sur le générique de fin de "Laisse tomber les filles" par April March.
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