Le matin, quand il fait bon et beau, normal quoi, j'aime bien me balader à pied. Souvent, je me promène dans le parc de mon quartier. Ça peut paraître con, mais j'aime bien. Et il ne se passe jamais rien, rien de bien excitant ou de passionnant, rien qui ferait de ma vie une odyssée humaine et tragique, unique et inédite, mais bon ça me plait. Et donc, ce matin, peu réveillé, la tête encore dans les draps et le goût du café dans la bouche, j'y suis allé à contre-coeur, chose qui ne m'était plus arrivée depuis déja quelques temps. Tu vois, j'avais pas trop envie de sortir de chez moi. Alors, ce que j'ai fait, c'est que j'ai allumé la radio. Rien de passionnant. Donc, j'ai pris la télécommande, et j'ai mis la télé. Rien non plus, à par une rediffusion ( chose très rare le matin ), celle d'un film que je n'avais encore jamais vu, "Forrest Gump" ( oui, je n'avais pas encore eu le plaisir d'assister à ce spectacle de tendresse et d'amour ). Je l'ai regardé quoi, cinq minutes, peut-être dix? J'en avais marre, j'avais mal aux yeux. Et donc, qu'es-ce que j'ai fait, à votre avis? J'ai pris la décision de sortir de chez moi me balader, vous avez vu juste. Vingt minutes après avoir éteints ma télé, parce oui, ça m'arrive de vouloir être précis, je me baladais parmi les arbres et les oiseaux ( qui mangeaient des miettes de pain de manière amusante ), et je me posais sur u banc, parce que j'en avais légèrement marre de marcher. Je ne savais pas ce que j'avais ce matin, mais c'était vraiment pas normal. Les deux écouteurs dans les oreilles, avec du Skrillex à fond, Bangarang en tête, je restais là pour quelques minutes, surement cinq, peut-être plus. Passons au présent, je préfère. Je lève les yeux au ciel, les ferme, crevé ( merci les lendemains de soirée ), et me concentre dans le premier jump de la chanson, le genre d'instants qui vous filent des tics et des tocs par dizaines pour les trois prochaines minutes, paressant aux yeux des passants et autres promeneurs pour un gros mec hyperactif et complètement chtarbé dans sa tête. Une main me touche l'épaule. Je me retourne, enlève un écouteur, celui de droite, ouvre les yeux, passablement énervé par celui qui vient de me perturber dans mon essai de sieste ( oui, je sais, c'est bizarre de sortir pour dormir ), et me ravise. C'est qui ce gars, là?! "Bonjour, je m'appelle Forrest Gump". Cette voix... Ce visage... Cette façon de s'exprimer... Sans déconner, c'est une blague? Elle est où la caméra cachée?! Il a un timbre unique, le genre qui vous donne son intelligence en deux secondes top chrono, et vous fait comprendre qui vous avez à vos côtés. Il parle un peu comme un pauvre benêt, un gars qui n'aurait pas eu toutes les chances de son côté à la naissance. "Et vous, vous vous appelez comment?" Je fais un blanc, ne lui réponds pas tout de suite, devient vert, un peu comme si l'on me laissait des bleus après un passage à tabac, observe le pigeon gris qui me détaille avec un regard noir, enlève mon deuxième écouteur bleu et lui donne mon nom. "Vous ne seriez pas..." Il me coupe, et me répond que oui. Puis, il enchaîne et me dit qu'il est devenu une star depuis que le film est sortit, que maintenant les gens l'écoutent quand il leur parle, qu'ils ne s'en vont plus dès qu'il a commencé à un peu trop s'éterniser dans son histoire, qu'il comprend pleinement ce que sa maman voulait dire quand elle lui répétait "La vie, c'est comme le chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber", et qu'il regrette sa vie d'avant, avec sa mère et sa copine, Jennifer, avec qui il a eu Forrest Gump, et son meilleur ( unique ) ami, Bubba, pour qui il a fondé une entreprise de pêcheur de crevettes, grâce à laquelle il a fait fortune, aux côtés du sergent Taylor, pauvre gars qui avait perdu ses jambes au vietnam, et que Forrest, en courant, avait sauvé du trépas, lui promettant un avenir meilleur. Mais il regrette surtout son enfance, où personne n'avait encore disparu, où il avait connu de grands hommes, presque tous morts aujourd’hui, Elvis "le King" Presley, John Kennedy et je ne sais plus trop qui, qui me laissent unanimement présager que ce pauvre gars est maudit. Presque tous ceux qui le rencontrent meurent, alors que lui connait un destin encore plus radieux et lumineux que n'importe lequel d'entre nous, véritable leçon de vie sur patte. Et là, le mec me bouleverse, m'attriste, me surprend, m'éblouit, me réconforte ( grâce à des moments tous plus beaux les uns que les autres ), innove et me livre une histoire que je n'aurai jamais pu imaginer. Il en a dans la tête, le pauvre gars, victime de la vie et de la guerre, mais tellement heureux après toutes ces épreuves endurées. Et le pauvre gars me redonne le sourire. Son histoire, sa vie, presque l'intrigue de son existence, sont magnifiques et uniques, bouleversantes et tragiques, mais tellement belles et touchantes! C'est le seul gars qui m'a fait pleuré grâce à son histoire! "Pourquoi vous ne partez pas?" Me demande-t-il gentiment. Il demandait ça tout le temps au bout d'un moment, quand il arrivait un peu trop loin dans l'histoire, m'a-t-il dit. Et la fin, dramatique et émouvante, gagne en puissance grâce à une dernière image aussi magique que tout le reste. L'histoire de cet homme est fantastique, il y a vu l'évolution de nombre de grands noms de l'histoire de l'homme moderne et de l'Amérique, et je ne peux que me dire que la mienne n'est rien comparée à la sienne. Et si... Le réveil sonne, je me lève, allume la télé, me remet encore du choc d'avoir vu pour la première fois le chef-d'oeuvre "Forrest Gump" hier soir, et imagine le reste de ma journée. Pourquoi pas me mater "Taxi Driver", ce soir? Il était beau, ce rêve, quand même...