De la science-fiction (trilogie « Retour Vers Le Futur »), en passant par le fantastique (« La Mort Vous Va Si Bien »), Robert Zemeckis en profite pour élargir son genre à l’historique. Il multiplie les thèmes et les aborde si subtilement que l’on tend vers un style documentaire filmé. Mais contrairement à ce que l’exercice suggère, le divertissement est présent, tout comme les morales qu’il apporte. On réunit des genres et des références si larges qu’on revisite toute l’Histoire d’une Amérique à la fois jeune et indisciplinée. Découvrons pourquoi et comment elle s’en sort jusqu’à nos jours et laissons le narrateur qu’est Gump s’exprimer.
On démarre alors rapidement sur le personnage qui occupera nos esprits tout le long de l’intrigue, Forrest Gump. Surdoué et faible par nature génétique, il parvient tout de même à démontrer que la volonté permet d’accomplir des miracles. Handicapé physiquement et mentalement dès la naissance, il ne comprend pas toutes les subtilités alors que le spectateur le voit lui. On s’y attache donc rapidement et avec aisance, alors de Tom Hanks l’interprète avec beaucoup de style et d’humour. Il joue dans l’émotion et sa précédente prestation dans « Philadelphia » prouve son efficacité. L’intégration sociale est une question qui préoccupe alors que la discrimination raciale commence à frapper les états les plus conservateurs. La religion est discrète dans son cas mais pose les piliers du christianisme, où le pays baignent encore et toujours. On voit le messie en Gump et sa naïveté s’apparente davantage à la sagesse, au lieu d’un handicap qui sombre dans le burlesque. Par ailleurs, il faut également savoir que dans le roman de Wiston Groom, il est également question de valeurs qui touchent le cœur, qui entrent dans la vie personnelle. La famille, Gump en prend soin et on reconnait que les liens entre lui et sa mère ou entre lui et ses frères d’arme sont bénéfiques. Quant à l’adorable Jennifer Curran, Robin Wright lui apporte la réflexion sur les choix de vie. Après tous ces détails, on peut juger l’être pur qu’il représente, vivant dans la simplicité, donnant plus d’effort qu’il ne reçoit en reconnaissance. Le plus important est autour de soi avant nos propres passions. Si l’on parvient à se laisser guider dans cette idéologie, il n’est pas impossible de soutirer les émotions fortes qui feront vibrer tous les cœurs.
En installant le contexte dans les grandes lignes du XXème siècle, Zemeckis et Eric Roth proposent une lecture à la fois patriotique et pédagogique. Il induit que le hasard fait bien les choses, comme il peut entrainer des drames. On suit alors Gump, accompagnant la génération des présidents John Fitzgerald Kennedy, Lyndon B. Johnson et Richard Nixon. A travers les âges, on y découvre ce à quoi l’Amérique se frotte pour avancer. Nous avons dans un premier temps, les guerres qui ont forgés certains mouvements pacifistes comme les hippies, si l’on s’arrête à la référence de la Guerre du Vietnam. Or, les références suggèrent davantage d’événements antérieurs, comme la guerre d’Indépendance, la guerre de sécession et les deux Guerres Mondiales. On n’échappe pas non plus aux références cinématographiques qui dont le réalisateur emprunte habilement, le temps d’une scène ou deux. « Full Metal Jacket », « Platoon », « Entre Ciel et Terre » et « Apocalypse Now » sont les principales sources à retenir, mais rien n’est à négliger. L’Histoire se repère dans la violence, toujours incomprise du point de vue de Gump, qui se contente nettement de vivre, en endurant les conséquences. Il croisera la route d’ami et de mentor qui lui apprendront à adopter un statut proche d’une personne sensible et éduquée convenablement. Même s’il s’avère que le personnage possédait déjà une forme de tendresse, il ne demande qu’à s’envoler encore plus haut.
La culture pop et rock and roll se joignent également à la partie. Une nation profite des libertés de vie pour instaurer à la fois leur passion sur des supports musicaux, sportifs et autres. Tout cela converge vers le mythe du rêve américain. Un but et jouissance hypothétique qui ne peut être acquis que par soi-même, après avoir encaissé et surmonté les aléas de la vie. De plus, la technologie entre en compte, en notant l’essor d’Apple ou d’autres multinationales qui verront le jour dans un futur proche. Les avancées médicales ou plutôt leur souci, font leur apparition, comme le SIDA. Le culte de la forme physique est également l’œuvre, mettant en avant des mouvements de modes que plusieurs vêtements vont endosser. Toute cette symbolique sert de toile de fond et on se satisfait de voir toutes ces incrustations redorer le blason d’une Amérique qui a souffert et qui est toujours en marche.
Au final, « Forrest Gump » parle de la vie, d’une boîte de chocolat et ses surprises. On se laisse charmer par l’épopée d’un héros qui se construit mais qui voit le monde chercher son identité tout autant que lui. Si les étoiles de l’étendard américain peuvent avoir un sens bien exploité, ici c’est le cas. Le film est riche en information qu’il ne prend pas la peine de développer les détails qu’il place comme un clin d’œil. Une piqure de rappel suffit à éveiller notre curiosité e l’effet encyclopédie faire surgir l’émotion. Surprenante démarche qui a le mérite d’être efficace et honnête dans la forme. Il s’agit là d’une véritable leçon d’histoire d’homme que le monde doit découvrir. Si le film porte tous ces messages, Forrest Gump est à la fois le postier et le philosophe de cette machine rétrospective !