Comme pour beaucoup de gens, le premier visionnage fut une curieuse expérience, la structure narrative me perdant à plusieurs reprises, si bien que j'en suis sorti pour le moins déconcerté. Le second fut un régal, parvenant à saisir toute la richesse de cette œuvre unique en son genre. L'occasion de le découvrir au cinéma, plusieurs années après, était donc une excellente opportunité pour voir comment celui-ci m'apparaîtrait aujourd'hui. Au final, il s'agit probablement de celui que je préfère. Est-ce parce que les titres d'aujourd'hui sont aussi régulièrement sclérosés ? Que plus grand-monde ne se donne la peine d'écrire avec soin ? Que peu de personnages cultes ont émergé depuis vingt ans ? Que les performances d'acteurs exceptionnelles se raréfient ? Sans doute un peu de tout cela à la fois, ce qui ne doit nullement diminuer les mérites de ce film cultissime. Je ne sais même pas par où commencer : tout a tellement déjà été dit, écrit sur le sujet qu'il est impossible d'être réellement original. C'est absolument brillant, que ce soit dans la virtuosité de la réalisation, jamais gratuite ou si peu, et même lorsqu'elle est, cela reste tellement éclatant qu'on ne s'en offusque pas vraiment. Que ce soit le scénario, où Quentin Tarantino transcende le genre « gangsters » en lui imposant des codes totalement nouveaux, dans la narration, donc, le montage et surtout les dialogues, apportant une « coolitude » incroyable au récit, ponctué d'accès de violence souvent aussi jubilatoires qu'inattendus. Rien n'est prévisible : cette volonté de briser toute linéarité, ces protagonistes inoubliables placés dans des situations l'étant tout autant... C'est simple : quasiment toutes les scènes sont devenues cultes, parfois jusqu'au vertige. On se régale, ces 150 minutes passant l'immense majorité du temps à la vitesse de l'éclair, rythmées par une bande-originale démentielle et parmi les plus mythiques de l'Histoire du cinéma, où chaque morceau est minutieusement intégré, choisi, désormais célèbre dans le monde entier s'il ne l'était pas avant. Reste la partie avec Maria de Medeiros : alors je me doute que cette dernière est présente pour rompre avec la tonalité d'ensemble et donner un côté volontairement mièvre le temps d'une scène, ce qui n'était pas si idiot, Tarantino nous faisant remarquer que le personnage le plus sympathique peut aussi être de très loin le plus agaçant.. N'empêche, malgré quelques sourires, j'ai trouvé ça long et la démonstration un peu forcée. Maintenant, c'est bien la seule (légère) réserve que je puisse faire, surtout en compagnie d'un casting aussi démentiel : franchement, je pourrais presque tous les citer tant chacun est exceptionnel et souvent loin de son registre habituel : John Travolta, Uma Thurman, Bruce Willis et tous les seconds rôles de façon générale. Mais s'il y en a bien un que je trouve éblouissant, c'est Samuel L. Jackson. Autant ces dernières années, celui-ci a parfois eu tendance à se parodier, voire se caricaturer, autant il est ici magistral, sa personnalité hors-normes pesant de tout son poids sur ce tueur à gages penseur et mystique, sans doute le plus mémorable d'une galerie pourtant impressionnante. À l'exception de « Django Unchained », tous les films du maestro ont par la suite suscité polémiques et débats : « Pulp Fiction » est probablement le seul à faire aujourd'hui une telle unanimité. Une Palme d'or ô combien méritée, qui plus est à l'époque où celle-ci signifiait encore relativement quelque chose, et un immense classique du septième art pour l'éternité.