L'histoire d'une autre histoire, où il est question d'un groupe pétrolier, de politiques corses et d'une juge
obstinée, du moins un certain temps.
Chabrol est aussi surprenant que Clint Eastwood, de temps à autre, il change totalement de sujet, sans doute une récréation, mais sans baisser le niveau de son talent.
Et depuis deux ou trois films, il en a du talent. Même si le phrasé ou le jeu de ces provinciaux fait souvent totalement irréaliste ou suranné, la qualité des scénarios rattrape tout.
Sauf que là, les rôles sont parisiens, et c'est incroyable, ils parlent comme des parisiens ! Des dialogues incroyablement justes, simples, directs, parfois ciselés, toujours hypocrites comme de vrais parisiens, surtout dans les hautes sphères. Seule la présence méditerranéenne nous ramène un peu de spontanéité agacée, mais rien de grave.
Rien que pour ces dialogues, ce film mérite un grand prix, les acteurs ont en plus sûrement rajouté quelques erreurs ou clins d'œils, on se croirait entre amis.
C'est génial, presque une écriture nouvelle, surtout en France.
Mais là n'est pas l'intérêt du film. La dénonciation des pots de vins est amusante, mais on n'apprend pas grand- chose, le script s'intéresse à la psychologie des personnages, et elle est souvent musclée, surtout jouée presque exclusivement par des vedettes de téléfilms dirigés à la perfection.
Patrick Bruel crève l'écran dans un rôle de gros con, avec toutes les facettes du lâche qui ne veut pas
d'éclaboussures tout en profitant quand même du système, et de son idéal de manipulateur à distance vite rattrapé par des gens plus ordinaires et adepte du système "gros bras".
Renucci est souvent improbable, mais là, il joue correctement l'homme perdu.
Le fils Chabrol est extra, il a le rôle qui correspond à son physique et sait parfaitement jouer la pierre angulaire du film, sans laquelle tout paraîtrait un peu trop fade sous les néons de la République.
Mais surtout, ce film a été écrit pour Isabelle Huppert, elle joue parfaitement, évite d'exagérer ses habitudes, elle est belle, et pour une fois Chabrol le montre, sans être distant comme avec ses précédentes égéries. Et enfin, elle ne caricature pas le personnage, elle est autant fragile qu'obstinée, coquette sinon classe, malgré ses préoccupations plus terre à terre.
L'intérêt du film est en fait encore ailleurs, et c'est pourquoi il mérite une telle note alors qu'il n'y a pas d'histoire d'amour, pas d'action, pas de révélation, peu de glamour et pas de scènes d'anthologies.
Il est réaliste !
Pas d'effet de manche, pas d'interrogatoires musclés, pas de poursuite incroyable, tout se joue sur du velours, entre gens de "qualité", cependant la gravité des faits existe sans la violence.
Bref, il n'y a pas de gros méchants ni de héros.
Tout est dans le système français, englué par ces corporatismes uniquement financiers, qui savent se déjouer des lois enquiquinantes notamment quand les accusés font déjà parti du domaine public et non privé. On y voit les gros poissons qui passent toujours au travers des mailles du filet, tandis que les blaireaux se font avoir, sans jamais payer à la hauteur du préjudice. Et le meilleur, c'est qu'en face, on se rend compte qu'il n'y a pas de héros ! Et même s'ils faisaient parti de ce concept hollywoodien, ils en sortent tellement dégoûtés et trahi que le jeu n'en vaut peut-être pas la chandelle.
Pour le grand public, c'est forcément un peu décevant, mais pour les citoyens idéalistes, c'est une très belle claque. C'est une révolution pour déblayer tous les marchands du temple de la bourgeoisie républicaine qu'il faudra pour vivre dans une France plus démocratique.
Pas des juges de toute manière prisonniers du système. Et encore moins des lois par centaines.
Le message de Chabrol est clair, agréablement filmé, et sans amertume, parce que bien tourné sans artifices, c'est déjà beaucoup.