Ulysses Everett McGill (George Clooney, décalé et gominé), escroc à la petite semaine plein d'invention, est coincé en "chain gang" (système faisant encore florès aux E-U dans les années 30, époque où se déroule l'histoire, et qui existe d'ailleurs toujours de nos jours, en Arizona !) avec les deux seuls autres Blancs du camp de travaux forcés où son dernier méfait l'a conduit : Pete (John Turturro) et Delmar (Tim Blake Nelson), des losers assez pathétiques. Animé par une préoccupation familiale et urgente, il n'a d'autre choix que de s'évader avec ceux-ci. Commence alors une traversée épique du Mississippi, sur fond de Grande Dépression, de campagne pour l'élection du gouverneur (où tous les coups sont permis) et de KKK encore puissant. Joel (seul crédité à l'époque comme réalisateur) et Ethan Coen adaptent là librement (et très partiellement), joyeusement, et sans respecter le découpage originel, l'Odyssée, devenant un road movie, puisque la voiture remplace la voile, et les paysages du "Deep South", la Méditerranée - l'épilogue "rebondissant" vers une autre source mythologique. On s'amuse en route à noter au passage qui est qui, dans ce parcours semé d'embûches : des lavandières aguicheuses en sirènes, un prétendu vendeur de bibles en cyclope (John Goodman), Penny Wharvey (Holly Hunter) en Pénélope, Vernon T. Waldrip (Ray McKinnon) figurant le chef des prétendants de celle-ci, les 7 filles d'Ulysses remplaçant Télémaque... et le shérif Cooley en dieu rancunier. C'est vif et coloré, et cela fait opportunément la part belle au "blue grass" (en commençant par "O Brother, Where Art' Thou ?"), lequel offre même à Ulysses et ses compagnons une rédemption inattendue. Une relecture d'un mythe universel rythmée, et interprétée avec une jubilation communicative.
Cette 8ème réalisation des frères Coen (2000) n'a rien perdu de son tonus, et de son inventivité. Youpi !