Dubitatif. Enervé. Gêné. Il y a beaucoup de mots qui peuvent résumer ce qu’on peut ressentir après avoir subi cette épreuve. Il est toujours étonnant de ressortir d’une séance en se demandant bien si on ne s’est pas trompé de salle, avec une très forte envie de crier à l’escroquerie intellectuelle. Je ne me souviens pas avoir été aussi blasé depuis Inland Empire qui avait pourtant mis la barre très haut en terme d’arnaque artistique…
Quand le héros d’un film meurt et que l’on en éprouve un infini soulagement, ce n’est déjà pas très bon signe. Il faut aussi dire que l’agonie a été longue, pénible, et d’un désintérêt total. Tout commence pourtant bien. La première scène est silencieuse, lente, magnifique : un buffle, une forêt, la nuit, des animaux qui bougent, la magie opère, la poésie prend. Puis à partir de là, plus rien. Ou presque : un vieil homme va mourir, il revoit certains passages de sa vie à travers des fantômes qui viennent lui rendre visite. Puis il se rend dans une grotte pour mourir, le tout à vitesse réelle.
J’ai beaucoup lu que le film risquait d’être déconcertant, dur à pénétrer. Dont acte : je n’ai strictement rien compris. Les images de la jungle ne sont pas spécialement belles, les personnages ne sont pas intéressants et l’ensemble baigne dans une lenteur ouatée qui touche tout, y compris les acteurs qui débitent leurs dialogues d’un éternel ton monocorde qui entretient l'effet puissamment soporifique de l'objet. Un film ne doit pas forcément avoir des rails et tout expliquer pour être passionnant, il peut même être totalement incompréhensible au premier abord et projeter un mystère, un univers, des images magnifiques, des scènes marquantes. (pour ceux qui en doutent, voyez ou revoyez Mulholland Drive). Rien de cela ici : la jungle n’est filmée que rarement, on y rentre peu et on ne voit pas le bestiaire fantastique et onirique auquel on pouvait s’attendre. La fameuse scène de l’orgasme par poisson-chat interposé a quelque chose d’incongru, de surprenant et de poétique mais elle est complètement perdue au milieu du film et sans aucun lien avec le reste. Vous n’êtes pas la pour comprendre ou ressentir des choses, vous êtes là pour admirer le délire…et si vous n’admirez pas, circulez y a rien à voir.
Tout cela est donc d’une lenteur et d’un calme tellement inhabituels dans le cinéma contemporain qu'on peut vaguement percevoir un certain charme, mais l’effet est surtout un ennui abyssal et un très désagréable sentiment d’être totalement à l’extérieur de l’œuvre. On peut voir un film et ne pas l’aimer, tout en comprenant qu’il peut plaire ou toucher des gens. Ici, on ne comprend pas ce qui peut avoir de l’intérêt, jusqu’à cet interminable prologue, tout aussi incompréhensible que le reste dans le cadre d’un appartement en ville partagé entre la douche et les fantômes.
On se console en ce disant que ce n’est pas tous les ans qu’on a la chance de voir une Palme d’Or complètement nulle. Et on en vient à se demander si, éreintés par leurs deux semaines cannoises, les critiques ont encensé ce film juste parce qu'il leur a permis de faire un petit somme très agréable de deux heures...
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