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lara cr28
75 abonnés
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4,0
Publiée le 10 avril 2018
Je garderai de ce film au fond froid (le pays, les gens, les décors), barbare (l’acte, l’avorton) et crapuleux (l’avorteur, l’argent, le sexe), l’image d’une femme qui fait le don d’elle -même pour aider son amie. Même si cette image ne parvient pas à transcender toutes les froideurs du film, elle permet d’y ajouter de la grâce. Palme méritée.
Après l'Allemagne de l'Est de "La Vie des Autres", la Roumanie des dernières années de la dictature stalinienne de Nicolae et Elena Ceaucescu nous vaut un autre film passionnant sur le combat difficile des simples citoyens pour leur survie dans un régime totalitaire. Là où Corneliu Porumboiu dans "12 h 08 à l'Est de Bucarest" traitait la description de cette société étouffante sur le mode de la comédie, Cristian Mungiu a choisi une tonalité bien différente.
Très vite, le spectateur est entraîné dans la tension que subissent les deux jeunes femmes, et particulièrement Otilia que Cristian Mungiu suit de bout en bout comme les frères Dardenne suivaient Rosetta (Tiens ? Une autre palme d'Or...). Comme chez Gus Van Sant ou dans "L'Esquive", il laisse les scènes se dérouler, aller au bout de leur logique interne, sans ellipse ni accélération ; la scène d'ouverture où la blonde Otilia tente d'insuffler son énergie à la brune Gabita qui planifie son avortement comme on prépare un voyage, ou celle, insupportable, où l'avorteur qui est affublé du pseudo impossible de Monsieur Bébé joue lentement de la culpabilisation et de la pression morale pour parvenir à ses fins, ou encore celle où Otilia erre de nuit dans les faubourgs sordides pour trouver un endroit où se débarasser du foetus, toutes ces scènes peuvent paraître longues. Mais cet étirement est nécessaire pour accompagner le cheminement douloureux des deux personnages, et l'absence de musique concourt à ce sentiment de vérité et de proximité.
S'il n'y a pas de musique pour indiquer au spectateur quelle est l'émotion attendue, la bande son est très travaillée, et ce d'autant plus que Cristian Mungiu accorde beaucoup d'importance au hors champ. L'eau qui coule quand Otilia se lave après le viol, ses pas sur un pont métallique dans son errance nocturne, la musique du mariage qui se déroule dans l'hôtel, tous ces sons renforcent le sentiment de menace qui pèse sur la jeune femme corseté par le cadre et la lumière blafarde qui baigne les longs corridors, les chambres d'hôtel ou les appartements des travailleurs méritants éclairés par des néons défaillants.
Filmée en plan fixe et frontalement, la scène où Otilia doit supporter la conversation des invités de la mère de son ami est emblématique de cette maîtrise du rapport entre ce qui est dedans et en dehors du cadre. Ce qui importe narrativement, c'est l'urgence pour Otilia de s'échapper de ce traquenard pour prendre des nouvelles de son amie qui est peut-être en train de se vider de son sang. Mais comme elle, le spectateur doit endurer les platitudes de ces bureaucrates conformistes et faussement chaleureux, débitées pour certaines par des personnages coupés bord cadre.
Car une des forces de ce film réside dans sa capacité à raconter à la fois un destin individuel, celui d'une jeune femme confrontée à l'avortement clandestin (ce qui n'est pas une spécificité roumaine, il suffit de voir "Vera Drake" ou "Une Affaire de Femmes"), et aussi de montrer le quotidien d'une société totalitaire, au travers de petits détails accessoires : la mère d'Adi qui se lève tôt pour faire un gâteau "avant la baisse du gaz", la solidarité des voyageurs devant les contrôleurs du bus, la queue devant un magasin. On ne voit jamais la Securitate, mais on perçoit tout autant sa présence qu'on voyait celle de la Stasi dans "La Vie des Autres".
Les deux actrices sont à la hauteur de leurs personnages : Laura Vassiliu, tragiquement enfantine, et surtout Anamaria Marinca, qui rappelle la Sandrine Bonnaire de Pialat, dans son mélange d'intensité et de fragilité. A l'exception peut-être du plan du foetus sur le carrelage de la salle de bains, rien n'est inutile dans "4 mois, 3 semaines, 2 jours". Sans fioritures mais avec une véritable rigueur formelle, Cristian Mungiu réussit à rendre passionnant un sujet à priori plombant, et si la noirceur du récit rejoint celle du cadre politique et esthétique, il maintient une étincelle d'espoir en montrant la capacité de l'humain à manifester le meilleur (le dévouement d'Otilia) même au coeur de la nuit.
A partir de l’histoire de deux étudiantes en résidence universitaire, dont l’une veut se faire avorter, Cristian Mungiu nous fait une subtile peinture de l’état de la société communiste roumaine. Outre la grande qualité artistique et la puissance critique de son film, « 4 mois, 3 semaines et 2 jours » a un autre intérêt : montrer ce que c'est qu'un cinéma populaire et engagé à la critique et aux cinéastes en France, pays où cette industrie en grande partie subventionnée par l'Etat, peuplée d’un grand nombre de fonctionnaires, engendre surtout des produits politiquement corrects qui ne dénoncent que des lieux communs, et ne défoncent que des portes ouvertes.
Une forme très épurée pour un sujet très difficile : l'avortement, encore puni en Roumanie. Des longs plans séquences superbes où l'on peut difficilement respirer. Des actrices parfaites, un très bon film.
Le rejeton le plus convaincant des frères Dardenne est donc Roumain : car qui donc peut ignorer, en suivant la farouche et (re)belle Otilia au long de sa trajectoire météoritique de cette journée vraiment infernale, sa parenté avec Rosetta ? Ce sont les plus beaux moments du films, portés par une actrice en état de grâce (Anamaria Marinca dégage la même vérité cinématographique qu'une Sandrine Bonnaire chez Pialat), ces instants fulgurants ou faussement calmes (la scène dévastatrice du repas d'anniversaire) qui touchent au "grand" cinéma, mais aussi à l'essence même de l'humanité : cette capacité renversante à survivre au fond de l'horreur, cette indéniable énergie vitale rattrapant la noirceur de la description de la Roumanie de Caucescu. Car il n'est pas sûr que Mungiu ait eu raison de situer son film il y a 20 ans : cela provoque chez nous une curiosité malsaine par rapport aux pratiques dégénérées de la société communiste, dont il n'a pas besoin... Car la lâcheté des hommes ne se limite pas à la Roumanie des années 80.
Palme d'or en 2007, "4 mois, 3 semaines, 2 jours" est une belle preuve de vitalité que livre ici le cinéma roumains. Même si cette récompense doit beaucoup au sujet politique que le film dévoile, à savoir la question de l'avortement sous le régime de Ceaucescu, l'œuvre, sans aller jusqu'au bijou, possède néanmoins de notables qualités formelles. Cristian Mungiu fait en effet preuve d'une justesse de ton assez frappante ; sa faculté à cerner un certain nombre de situations et d'actes propres au quotidien s'avère remarquable. Qu'ils soient orchestrés dans une chambre d'hôtel ou autour d'une table, ses plans fixes mêlant désespoir et irascible attente se font l'écho de son sujet, brillamment interprété.
Un regard dur à la tension palpable sur la Roumanie des années 80 (l'ère de l'empire soviétique touche à sa fin), qui par son troublant réalisme ne peut laisser le spectateur indemne. Sans choisir la brutalité gratuite des événements, le réalisateur Cristian Mungiu décri de façon quasi documentaliste l’épreuve que traverse ses deux étudiantes, en proie à la froideur de l'être humain dans une société ou les interdits sont encore de mise. Déjà qu'elles évoluent dans un décors si peu attrayant, on se demande bien ou elles trouvent tout ce courage. C'est triste et grave, les plans séquence ajoute une dimension supplémentaire au malaise. J'ai pour ma part trouvé bien dommage que les non-dits, les non-vus plutôt si puissant dans la première partie du film tombent à plat avec spoiler: la vision longue sur le fœtus. Nous en connaissons plus que ces filles à cette époque, ce n'était pas la peine de nous montrer ce qui les a tant choqué, juste son visage et tout le désarroi qui s'y inscrivait suffisant amplement. . L’avortement et la place des femmes dans la société sont évidemment au cœur du récit, mais se font avec pudeur et sens éthique qui souligne la beauté du geste. Un film gênant mais nécessaire.
Un film éprouvant, tendu et radical dans lequel flotte une tension permanente. Le réalisateur, caméra à l'épaule, nous plonge dés les premiers instants dans des décors confinés, sans qu'on sache vraiment ce qu'il se passe, et on suit ces deux héroïnes aveuglément jusqu'à ce que se dénouent peu à peu les fils de l'intrigue. Mis en face du drame que s'apprêtent à subir les deux amies, on se retrouve vite mal à l'aise, oppressé, concerné et tout au long du film, un suspense atroce reste en suspend. Disposer de son corps librement, au sens propre ou au sens politique, voilà le message fort que réussit à asséner tel un coup de poing Cristian Mungiu. On pourra reprocher un certain manque d'épaisseur chez les personnages secondaires, mais tout cela reste magnifique et poignant.
Avec une réelle science de la mise en scène -les séquences de la course pour se débarasser du foetus où chaque voiture, chaque passant, chaque bruit devient angoisse imaginaire pour l'héroïne en proie à une paranoïa compréhensible, et celles du trio à huis-clos avec Mr Bébé à l'hôtel sont de véritables leçon. Certains plans, comme celui sur le foetus, ou d'autres imprégnés de silence après la pose de la sonde, sont marquants et dignes d'un film de Hanneke- le réalisateur roumain, qui révèle au passage toute la vitalité cinématographique de son pays, montre qu'un avortement, même s'il est réussi (pas d'effusion de sang superflue ici) est un drame en soi, lorsqu'il se passe en quatimini des lois, dans l'anonymat de la nuit, dans un quartier lugubre, sans précaution sanitaire, et qu'il doit rester un secret honteux. Le film de référence sur un sujet fort, peu traité, presque tabou.
"4 mois, 3 semaines et 2 jours", c'est la preuve que l'on peut encore aujourd'hui proposer un cinéma construit, posé et réfléchi malgré les pressions d'une génération dramatiquement élevée à la culture du zapping (dont je fais partie mais que j'exècre). Pas besoin de deux cent mille rebondissements, ni d'un cadre qui s'agite dans tous les sens. Prenez un événement, détaillez-le, donnez-lui de la profondeur par les personnages qui l'habitent, donnez-lui un contexte politico-historique censé et mettez le tout en scène sans vous presser, en travaillant vos plans. Bizarrement, le résultat (à l'ancienne) est saisissant. Les bonnes règles classiques n'ont pas perdu de leur superbe, surtout lorsque l'équipe technique se montre à la hauteur. Restent néanmoins un côté excessif limite racoleur ainsi qu'une ou deux scènes en trop. Donc de là à crier au chef-d'oeuvre, il reste évidemment un monde. N'empêche, depuis quatre ou cinq ans, le cinéma Roumain fait un retour remarqué assez mérité.
Découverte du cinéaste roumain où la pudeur n'a pas d'égale. Disons-le clairement : pas de surenchère. On y retrouve son compte, surtout dans la délicatesse du sujet abordée. Première scène, geste de cinéma : travelling arrière séquencé pour la découverte du lieu de vie des protagonistes. Immersion. Oui, c'est un magnifique portrait de femme. Non, ce n'est pas celle qu'on croît. Le personnage subissant l'opération n'est pas le personnage principale, mais bien sa colocataire (meilleure amie en or massif). Non plus, le praticien clandestin aux méthodes peu académiques, acceptant tout types de règlement, n'est pas rigidifié par une mise en scène écrasante. Le propos est subtil et glacial.
On ne pourra nier que ce regard à la fois cru et juste sur cette Roumanie des âges sombres ne laisse pas indifférent. De même, certains passages, de par leur teneur, ne peuvent que capter une attention assez vive. Pourtant, même si on ne ressort pas de ce film avec une mauvaise impression, on est cependant quelque peu groggy par cette réalisation au fond assez austère et dont l’épuration est parfois difficile à supporter. Un bon film donc, mais sûrement pas une révélation.
Quel beau sujet et qu'elle leçon de vie pour ceux qui s'interessent à autre choses que les loisirs. Pourquoi grands dieux, quand on filme aussi mal (plans fixes permanents,cadrages approximatifs, éclairages inexistants,extérieurs affligeants de laideur visuelle)on se sert du cinéma pour raconter une histoire aussi bouleversante alors qu'un livre simplement bien écrit aurait fait mieux. C'est pour moi un mystére qui s'est encore plus épaissi lorsque des gens censés juger "the cinéma" lui ont donné un prix de cinéma. Ophuls,Visconti,Ford,Mizoguchi,Lang,Bunuel pour n'en citer que 6 ont du se retourner dans leurs tombes.
Vraiment du mal a adhérer avec ce genre de film. L'action n'est pas a la fete et c'est peu dire. Disons qu'avec un sujet délicat comme celui ci, on ne peut pas accoucher d'autre chose. Mais bon, cette espèce de huis clos dans cette chambre ne m'a vraiment pas trop captivé.