Dans le monde du cinéma de genre fantastique/horreur, vous allez trouver un nombre incalculable de remakes/reboots bénéficiant de budgets plus que confortables, confiés à un yes man qui fera tout ce que demandera les producteurs comme un bon gros toutou et souvent affublés par la sainte trinité commerciale du « Je veux plus de fric !! » : distribution titanesque (entre 500 et 600 salles chez nous) + 3D automatique (2€ de plus par entrée ça aide à faire du box office !) + PG-13 obligatoire (pour ratisser encore plus large !!). Au final ça donne souvent des navets aseptisés sans saveur mais qui rapportent un max de pognon au point de nous « gratifier » de plusieurs suites toutes aussi nazes mais toutes aussi rentables : paradoxe de la vie... Mais parfois, vous avez aussi de jeunes petits malins qui ont des idées, qui en chient pour trouver des financements pour au final obtenir un budget plus que limité, se défonçant comme jamais en innovant en matière de mise en scène et d’effets spéciaux pour économiser un max et dont le résultat final finira à 200% en direct-to-dvd, mais en nous proposant un joli petit cadeau pour les amoureux de genre. Et bien, "Splinter" appartient à cette seconde catégorie. Basé sur un pitch ultra simple (un jeune couple parti en vadrouille amoureuse vont prendre en stop un couple de criminels en cavale qui vont les prendre en otage, et tout ce petit monde va se retrouver confronté à une situation hors du commun), "Splinter" est un petit film qui a le mérite de ne pas péter plus haut que son cul : ayant un budget très serré, Toby Wilkins ne peut pas se permettre de faire comme tous les autres films du genre, à savoir prendre tout un premier acte du film pour nous présenter les protagonistes et ensuite passer à l’action…non, ici pas de temps à perdre : il décide de concentrer le récit sur une durée de 1h10, débutant comme un road-movie agressif se déroulant en extérieur où les personnages sont rapidement introduits (ils seront développés au fur et à mesure du film), avant de nous amener rapidement dans un lieu fermé où le métrage pourra enfin virer en huit clos stressant doublé d’un film de monstre gore. Et en parlant de monstre, celui du film est un parasite infectant les corps avec l’aide de piques ultra pointues, prenant ainsi leur contrôle avec une force capable de leur briser les os. Alors que la plupart des films de monstre possédant des corps ne font que montrer le monstre en train de s’adapter aux corps qu’il assimile ("The Thing" pour ne citer que lui), "Splinter" fait exactement le contraire, c’est-à-dire qu’ il adapte les corps au monstre : ce dernier, à chaque nouvelle victime, fusionne les corps et les morceaux selon sa guise en brisant des os et tordant la chair, nous présentant une vision cauchemardesque, sorte d’assemblage immonde de morceaux de corps précédemment déchiquetés recouverts d’épines tel un porc-épic avec une gestuelle de marionnette complètement désarticulée. Très bien fait visuellement, ce monstre contribue grandement à la réussite du film d’un point de vue graphique (les épines noires se dressant sur la chair contaminée : totalement superbe !) et au niveau ambiance glauque (les « déplacements » de la chose ainsi que les bruits de désarticulation qui en résultent font carrément froid dans le dos !!). Wilkins a bien compris que son monstre est censé être l’attraction principale du film et, conformément aux codes du genre, qu’il se devait d’être à la fois menaçant, unique et classe : mission pleinement réussie ! Le seul petit défaut que je pourrait souligner c’est que, vu le budget limité du film, Wilkins prit le parti de souvent suivre son monstre caméra à l’épaule assez tremblotante pour qu’on ne puisse pas trop le voir longtemps à l’écran. Je vous rassure : ça reste tout de même lisible, on est bien loin d’une caméra totalement gerbante comme dans la trilogie Bourne ! Mais le monstre n’est pas la seule bonne idée du film : tout d’abord, "Splinter" joue la carte du classique tout en évitant les clichés grâce à un script plutôt intelligente et adulte. Par exemple, l’idée de la prise d’otage du couple est excellente car elle permet d’isoler le petit groupe immédiatement et de façon cohérente (le criminel détruit tous les téléphones pour éviter que la police soit contactée par ses otages, ce qui est moins con que de balancer une raison débile genre « Merde, les téléphones n’ont aucun réseau ici ! »). Ensuite, il faut reconnaître que les personnages sont bien écrits : la jeune demoiselle est une femme indépendante prenant des décisions alors que son mec est plutôt du genre intello lâche toujours en recul (une inversion des rôles bienvenue) jusqu’au moment où il se rendra compte que ses connaissances d’étudiant en biologie vont les aider dans leur survie et ainsi reprendre son rôle de mâle dominant, ainsi que le criminel qui comprend vite que, face au danger, il va devoir oublier son rapport de force et collaborer pour espérer survivre. Mais la véritable force de ces personnages, c’est qu’ils sont tout simplement dotés de raison (chose rare dans un film d’horreur !) : ils réfléchissent, quand il ont une idée, ils voient si elle est applicable et, en cas d’échec, n'hésitent pas à changer leur vision des choses. Mine de rien, le fait de ne pas avoir à faire aux habituels gros débiles de ce genre de films, ça aide à éprouver de l’empathie à leur égard. A ce titre, il faut aussi reconnaître la justesse de l’interprétation des trois acteurs principaux : Jill Wagner, Paulo Costanzo et Shea Whigham, tous trois impeccables !
Pour son premier long-métrage, Toby Wilkins nous propose une authentique série B, dans le fond comme dans la forme : "Splinter" est un film de monstre comme on en voit que trop rarement, c'est-à-dire original, dégueulasse et divertissant, et se permettant même de ne pas cacher ses références ("The Thing", "Evil Dead", "Re-Animator", "Nightmare Detective"). Il est vraiment dommage qu’une telle petite perle ne soit pas sorti sur grand écran !! Faites-lui honneur : foncez sur le dvd et régalez-vous !