Dans le Japon du XVIIème siècle la pauvreté et la maladie ravagent le pays, un jour de juin un ronin du nom de Tsugumo se présente au château du clan li pour réclamer auprès de l’intendant Kageyu Saito un lieu adéquat pour mettre fin à ses jours, sous la forme d’un harakiri, suicide rituel honorifique. Seulement cette pratique attire la méfiance de par la ruse de divers samouraïs déchus pour mendier un poste ou quelques sous. Saito lui raconte alors l’histoire d’un certain Chijiwa, pris au piège par le clan, Tsugumo montre sa détermination puis fini par réclamer les noms de ses bourreaux, étrangement absents …
La puissance de la réalisation de Kobayashi frappe d’entrée avec un cadre réglé au millimètre et un esthétisme clair obscur saisissant, rien que le générique d’intro nous plonge directement dans une sorte d’ambiance vaporeuse, j’étais déjà conquis au bout de 5 minutes, c’est assez rare comme sensation. Les personnages composent l’image, ils font corps avec les décors féodaux, c’est assez bluffant cette maitrise qu’ont les cinéastes japonais à retranscrire des tableaux d’une pureté et d’une sincérité absolue, impossible de ne pas être embarqué et de voyager dans le temps, tout ça sans ce réflexe mécanique de dénicher un quelconque anachronisme, l’entreprise fait preuve d’une certaine noblesse. On a plaisir à suivre cette histoire narrée d’une manière étonnante, utilisant divers flashbacks où les morceaux vont tous s’imbriquer au fur et à mesure pour reconstituer un drame intimement épique, le personnage de Tsugumo transperce l’écran grâce à cette stature froide pleine d’assurance, pour finalement se révéler et retourner les esprits.
La fluidité du montage couplée à ce cadre ultra stylisé fait qu’on sait qu’on à affaire à un objet cinématographique d’une très grande qualité, après cela n’aurait pu rester qu’à l’état de façade, ce qui n’est absolument pas le cas car l’écriture est là aussi exceptionnelle et sachant marquer des temps de pause pour appuyer des moments de tension incroyablement scotchants. Par exemple la séquence de l’harakiri forcé de Chijiwa semble figée dans le temps, elle pourrait durer des heures entières, et c'est génial, on reste suspendu aux lèvres de ces hommes se confrontant verbalement jusqu’à ce que l’un vienne à se résoudre à agir, comme dans une sorte de western sauce soja des plus délicieux. Les destins de Tsumogo et Chijiwa semblent similaires bien qu'étrangers face à ce tribunal en kimono, mais nous n’allons connaitre leurs véritables liens seulement de manière progressive et savamment construite, car oui les bouleversements sont de mise, et pas qu’un peu.
C’est grâce au passé de Tsumogo que les ficelles se tissent sous nos yeux, personnellement je n’ai rien vu venir et inévitablement c’est passionnant, les circonstances de la tragédie qui s’abat sur l’apparent bonheur de cette famille est cruellement révoltant, ce qui fait que l'attachement au héros est total, nous nous joignons à lui dans ce profond sentiment de revanche, qui va d’ailleurs se révéler jouissif grâce à la mise en scène de Kobayashi. Car oui le combat que tout le monde attends se montre patient, le crescendo émotionnel fait son œuvre pour porter l’estocade au bon moment, avec comme amuse-bouche un duel sous les bourrasques de vent d’un pré absolument magnifique et graphiquement abouti. Puis vient ce fameux final où le déchainement à bien lieu, le tout orchestré par de sublimes chorégraphies, pour conclure le film sur une réflexion du code de l’honneur régie au respect des apparences, la morale est à la fois bouleversante et odieuse, reflet d’une culture où les principes d’une hiérarchie pousse vers une sorte de dignité malhonnête, creusant des légendes qui ne resteront qu’à l’état de simples écrits, le sang lui sera lavé et oublié.
Harakiri est un très grand film, qui prend aux tripes de la première à l’ultime minute, Kobayashi arrive avec cette maestria formelle, scénaristique et poétique a créer une œuvre intemporelle, poignante et profondément humaniste, en plus d'être un modèle en terme de conte cinématographique. N'ayons pas peur des mots ... Chef d'œuvre !