Deux reines d'un jour au micro d'AlloCiné. Reines d'un jour, le dernier film de Marion Vernoux, sort ce mercredi 24 octobre sur les écrans français. Le tournage du film a été aussi l'occasion d'une première collaboration fructeuse entre la réalisatrice et la comédienne Karin Viard, qui interprète le personnage principal d'Hortense. Interview à deux voix.
AlloCiné : "Reines d'un jour" est votre première collaboration cinématographique. Vous connaissiez-vous avant ?
Marion Vernoux : Effectivement nous nous connaissaissions par amies interposées. J'attendais avec impatience d'écrire le rôle qui serait celui de notre rencontre. Quand le personnage d'Hortense m'est venu à l'esprit, c'était sûrement aussi inspiré par Karine, pas par Karine à la ville mais Karine en tant qu'actrice.
Karin Viard : J'ai lu le scénario, je l'ai trouvé très bien écrit, très bien structuré, très brillant. Je me suis dit que ce serait un film que j'aurais envie de voir en tant que spectatrice, et ensuite le rôle me plaisait, donc je ne voyais aucune raison de le refuser.
"Reines d'un jour" comporte des éléments communs aux pièces de théâtre (unité de lieu, de temps). Pensez-vous qu'on puisse comparer le film à un vaudeville ?
M.V. : C'est peut-être vrai parce qu'il n'y a pas cinquante façons d'écrire des histoires avec des éléments de comédie qui fonctionnent. Mais effectivement, le film ressemble à un vaudeville avec des maris, des amants, des portes qui claquent, des quiproquos. Et aussi le fait que les personnages soient dans des situations épouvantables et deviennent drôles malgré eux. Mais le mot "vaudeville" est souvent péjoratif parce les personnages peuvent devenir des pantins qu'un auteur manipule.
Et puis le rire c'est très mystérieux : il y a des passages qui fonctionnaient à la lecture et qui n'ont pas survécu au tournage. A l'inverse, les acteurs ont rendu drôles des scènes qui ne l'étaient pas. Maintenant je n'arriverai jamais à avoir une démarche à ce point efficace et mécanique de me dire qu'il faut faire rire tout le monde. Je ne me sens pas prête à cet exercice. Mais déjà nous on s'est fait rire sur le tournage.
K.V. : Nous en tant qu'acteur on ne s'en est pas rendu compte : chaque acteur joue sa partition en suivant ce qu'il croit être la logique du personnage. Ce sentiment d'un humour mécanique, ça se fabrique au montage.
Hortense est orthophoniste. Y avez-vous attaché une importance particulière ?
M.V. : Nous en avons beaucoup parlé. Nous aimions bien l'idée qu'elle ait un travail, que ce soit quelqu'un d'intégré socialement pas tellement par rapport à son niveau de vie, parce qu'orthophoniste, ce n'est pas non plus un truc fou. Mais je sais que toi ça te tenait à coeur que ce soit quelqu'un de réglé...
K.V. : Moi je trouve ça problématique quand on voit des personnages au travail. Si ça n'a pas de poids, si ça n'existe pas de façon évidente, le spectateur n'y croit pas. Lorsqu'il y a des personnages qui sont musiciens dans des films, on voit les comédiens faire vaguement "ding ding" et ça m'énerve. Sur le tournage de Reines d'un jour, il y avait une orthophoniste qui était là pour me conseiller. J'ai essayé de m'approprier ce qu'elle me disait de façon à me comporter sans vraiment comprendre ce que je faisais, mais de manière à ce que le spectateur y croit.
Il y a un paradoxe chez Hortense : elle a une expérience de l'adultère, et en même temps elle se comporte comme une ingénue et se montre maladroite...
M.V. : Je voulais justement qu'elle soit ingénue, qu'elle veuille absolument en être mais qu'elle n'ait pas le mode d'emploi. Hortense est une oie blanche qui a très envie de quelque chose, mais elle n'a pas de savoir-faire, elle se révèle extrêmement amateure. Ce qu'il fallait aussi socialement, c'est qu'elle n'ait pas l'air branchée. Que quand elle arrive dans un lieu à la mode, elle ait l'air un peu nouille...
Si on parle beaucoup des enfants d'Hortense dans le film, on ne les voit pas. Hortense est-elle plus femme que mère ?
M.V. : Ce qu'on s'est dit avec Karine, c'est qu'Hortense était une bonne mère 364 jours par an et qu'elle peut ce jour là s'autoriser à délaisser ses enfants. Je me suis pas racontée qu'Hortense essayait de s'envoyer en l'air tous les soirs pendant qu'elle faisait garder ses mômes.
K.V. : On peut toujours se dire qu'elle ne s'entend pas avec son mari et qu'elle délaisse ses enfants. Mais moi, je crois que c'est plus intéressant de se dire qu'ils s'aiment et qu'elle est une très bonne maman. Parfois dans la vie, on peut avoir quelque chose qui n'appartient qu'à soit dans lequel s'inscrit un amant, des virées avec des copines, des week-ends où on se bourre la gueule. C'est plus dérangeant comme portrait.
Hortense est dans une quête qui devient obsessionnelle. Que recherche-t-elle ?
K.V. : Moi, je me suis racontée que c'était juste l'occasion qui fait le larron. Son mari part, elle a prémédité sa soirée : la baby-sitter est trouvée. Quelque chose d'un peu excitant, qu'elle puisse raconter à ses copines, qu'elle puisse se le remémorer pendant qu'elle fait des paupiettes à son mari et ses enfants, c'est son jardin secret, ça met un peu de piment dans la salade. Je ne suis pas sûre que la finalité de cette soirée soit de se retrouver nue sur un lit sous un homme en gémissant. Elle veut plutôt pouvoir se raconter qu'elle plaît encore, qu'elle est encore extrêmement jeune et désirable. Ca devient obsessionnel, névrotique, et ça révèle une part infantile d'elle-même.
Il y a beaucoup de couples qui se désunissent dans Reines d'un jour. Est-ce une vision pessimiste du couple?
M.V. : Il n'y a pas que des couples qui se désunissent dans le film. On ne sais pas ce qui se passe après. J'avais envie de passages avec des secousses telluriques comme celui avec ce chauffeur de bus qui craque en plein travail en apprenant que sa femme le quitte. Mais ça reste une journée particulière...
Propos recueillis par Amélie Charnay
Images: Sébastien Raynal