Les marginaux et les originaux seront les vedettes des longs métrages projetés ce samedi sur les écrans du Lido. Au programme de cette journée : un panaché de "films chorales" qui retraceront les instants de vie d'un groupe de communautés urbaines issues du monde entier. Les époques, les castes et les lieux divergent, pourtant les personnages partagent tous un sentiment de malaise face à leurs environnements, leurs entourages ou leurs existences respectifs qui ne coïncident pas à leurs aspirations. Des individus qui ne se résignent pas à affronter la réalité, à l'image des protagonistes de L'Uomo in più écrit et réalisé par le Napolitain Paolo Sorrentino. En lice dans la section "Cinéma du présent" et pour le Prix Luigi De Laurentiis, le film met en parallèle les vies d'un célèbre chanteur de pop égocentrique et d'un joueur de football professionnel timide et morose. Deux asociaux pathologiques simultanément touchés par la gloire, le déclin, l'anonymat et le désespoir.
Tout aussi pessimiste, l'Argentin Juan Villegas aborde une thématique similaire, mais d'une façon plus légère. Sabado met en scène le morne quotidien d'une bande de six jeunes habitant le Buenos Aires contemporain. Parmi eux, une jeune fille qui décide de rester seule tandis que son petit ami ignore l'attitude à adopter face à ce choix, un acteur célèbre profondément asociable, une boute-en-train qui rit pour ne pas pleurer et un couple englué dans les habitudes de la vie en commun. Tous mènent une existence monotone, jusqu'à ce qu'ils décident de changer le cours des choses, de se créer le temps d'une journée un autre destin. Même s'il faut pour cela adopter un regard neuf et compliquer quelque peu leur existence...
Soit une démarche foncièrement opposée aux comportements adoptés par les personnages de Reines d'un jour, qui seraient prêts à tout pour retrouver leur "train-train" quotidien. Réalisé par Marion Vernoux, ce film raconte les péripéties d'une dizaine d'individus poursuivis par la malchance. Une journée catastrophe qui débute lorsque Marie-laure, apprentie photographe, apprend qu'elle est enceinte. Un événement déclencheur de problèmes (vol, accrochage, licenciement abusif ou coupe de cheveu ratée) et de rencontres à répétition. Dans son malheur, elle croisera Luis Del Sol, conducteur de bus quitté par sa femme, Hortense, orthophoniste volubile délaissée par ses amants, ou encore Maurice, cuisinier acariâtre et alcoolique.
Une compétition officielle entre rêve et réalité
Du côté des films sélectionnés en compétition officielle, on retrouve The Others, le troisème long métrage du talentueux Alejandro Amenabar, présenté en avant-première européenne. Après le phénoménal Ouvre les yeux qui fait actuellement l'objet d'un remake réalisé outre-Atlantique par Cameron Crowe, Amenabar s'immerge dans les années d'après-guerre. Ile de New Jersey 1945. Grace, une jeune veuve incarnée par Nicole Kidman, élève seule ses enfants selon de strictes principes religieux. Une éducation d'autant plus sévère, que sa fille et son fils, tous deux atteints d'une étrange maladie, ne peuvent s'exposer aux rayons du soleil.
Leur demeure victorienne constamment baignée dans une semi-obscurité, fait écho à la dimension surréaliste exploitée dans Waking life. Dans ce film hybride signé Richard Linklater, chaque image filmée a été retouchée graphiquement par une trentaine d'artistes peintres. Le résultat offre une oeuvre unique en son genre. Une oeuvre qui pose une question existentielle : traversons-nous notre vie à moitié éveillés, ou vivons-nous dans un rêve ? Pour Woody Allen, la réponse est sans appel : le cinéaste a bel et bien la tête dans les nuages. Finies les ruminations morbides, Le Sortilège du scorpion de jade, savant mélange de polar et de franche comédie, prône avant tout le rire et la fantaisie.
A.Z.
