Le cinéma français est en deuil. Alain Delon, légende du cinéma hexagonal, s'est éteint ce dimanche 18 août à l'âge de 88 ans. À cette triste occasion, focus sur huit films incontournables de l'acteur, du Samouraï à La Piscine en passant par Le Cercle rouge.
Borsalino
Réunir Alain Delon et Jean-Paul Belmondo, les deux frères ennemis, il fallait oser ! A l'époque stars du box-office, chacun lorgnant la carrière de l'autre, le tournage se passera bien sous la direction de Jacques Deray. L'histoire est celle de François Capella et Roch Siffredi, deux truands du milieu, dans le Marseille des années folles, qui vont s'allier afin de mettre la main sur la ville. Évidemment, tout ne pas se passer comme imaginé par les deux bandits.
Borsalino est visuellement influencé par les débuts du Nouvel Hollywood tels que Bonnie and Clyde ou Butch Cassidy et le Kid et les deux comédiens au sommet de leur gloire respective apportent le charisme nécessaire à donner au film toute son ampleur. Une suite verra le jour en 1974, toujours dirigée par Deray avec Alain Delon, Borsalino & Co.
Le Cercle rouge
À peine libéré de prison, un truand monte un fabuleux hold-up avec l’aide d’un gangster évadé et d’un ancien policier alcoolique. Le coup réussit. Le receleur, effrayé par l’importance du butin, leur recommande de s’adresser à un spécialiste. Ce dernier n’est autre que le commissaire chargé de l’enquête...
Alain Delon. Yves Montand. (André) Bourvil dans l'un de ses derniers rôles. Gian Maria Volonte. Ce qui frappe, au premier abord, c'est le casting de ce Cercle rouge. L'un des plus impressionnants de l'Histoire du cinéma français, pour sa qualité plus que sa quantité. Des acteurs qui, pour ne rien gâcher, sont ici dirigés par Jean-Pierre Melville.
Au sommet après avoir enchaîné Le Deuxième souffle, Le Samouraï et L'Armée des ombres, le réalisateur ajoute un nouveau diamant, très noir, à sa filmographie avec ce jeu du chat et de la souris entre un commissaire et un trio de gangsters sur le point de commettre le casse du siècle.
Des gangsters magnifiques, frappés, quoi qu'il advienne, par le sceau de la fatalité, comme le rappelle la citation de Bouddha mise en exergue au début du film : "Quand des hommes, même s'ils s'ignorent, doivent se retrouver un jour, tout peut arriver à chacun d'entre eux, et ils peuvent suivre des chemins divergents, au jour dit, inexorablement, ils seront réunis dans le cercle rouge".
Le Guépard
Italie, 1960. La noblesse est en déclin au profit d'une nouvelle classe sociale bourgeoise constituée des propriétaires terriens. Lors d'une résidence d'été à Donnafugata, Don Salina (Burt Lancaster) va réfléchir avec mélancolie aux changements actuels et à sa place dans cette nouvelle société. Nouvelle collaboration entre Luchino Visconti et Alain Delon après Rocco et ses frères (voir plus bas), Le Guépard est un chef d’œuvre, une tranche d'histoire de l'Italie ainsi qu'un portrait de famille remarquable.
Encore à ses débuts mais porté par ses prestations dans Plein soleil et Rocco et ses frères, Delon joue le neveu de Don Salina, engagé chez les Garibaldiens, et amoureux des personnages de Lucilla Morlacchi puis Claudia Cardinale. Il y donne la réplique à Burt Lancaster, initialement imposé par les producteurs, et qui entrera en conflit public avec Visconti avant que le tournage ne puisse se passer de façon apaisée entre les deux hommes.
Monsieur Klein
Pendant l'Occupation allemande à Paris, Robert Klein, un Alsacien qui rachète des oeuvres d'art à bas prix, reçoit, réexpédié, à son nom, le journal Les Informations juives qui n'est délivré que sur abonnement. Il découvre bientôt qu'un homonyme juif utilise son nom, et décide alors de remonter la piste qui le mènera à cet inconnu...
Il est tout à fait étonnant que cette oeuvre admirable qu'est Monsieur Klein, probablement le plus grand film français consacré à la période noire de la France de Vichy, soit réalisée par un américain. En l'occurence Joseph Losey. Evoquant la Rafle du Vel d'Hiv, organisée les 16 et 17 juillet 1942 par la Police française, le film est une oeuvre politique très engagée et kafkaïenne, révélant la machine destructrice d'une administration broyant les êtres.
Porté à bout de bras par Alain Delon, puisqu'il en était aussi le producteur, le film fut un gros échec en salle. Qui fut très douloureux pour l'acteur - producteur, qui ne reçevra d'ailleurs aucun prix, pas même à Cannes. Une cruelle injustice, que le temps s'est heureusement chargé de réparer : Monsieur Klein est l'un des plus grands rôles de Delon.
La Piscine
Jean-Paul et Marianne forment un couple idéal et coulent des jours heureux dans leur villa de Saint-Tropez, jusqu'au jour où arrive Harry, au bras de sa fille, l'incendiaire Pénélope. Ancien amant de Marianne, l'homme trouble cette vie tranquille. La tension monte.
Sorti en 1969, année érotique, La Piscine, porté par la musique de Michel Legrand, est assurément l'un des films les plus troublants de la filmographie de Delon, pour son sujet et son traitement. Mais également pour la sensualité qui se dégage du couple qu'il forme avec Romy Schneider.
Encore aujourd'hui, le charme opère, et impossible de ne pas être fasciné par ce ballet amoureux à quatre, riche de non-dits et de silences, à l'atmosphère de plus en plus oppressante au fil des minutes. Troublant, pervers, inquiétant par moments, ce thriller en forme de huis-clos n'a définitivement pas pris une ride.
Comment ne pas évoquer le duo Delon / Schneider... En couple bourgeois en proie à l'ennui qui voit son quotidien bouleversé, il irradie littéralement l'écran, magnifié par la mise en scène de Jacques Deray. Une prestation d'autant plus fascinante que les deux stars, ici au faîte de leur beauté, ont été en couple à la ville cinq ans avant le tournage. Incontournable.
Plein soleil
En 1960, Alain Delon devient une star. Le film qui le propulse, c'est le cas de le dire, dans la lumière ? Le thriller Plein Soleil de René Clément, dans lequel il incarne Tom Ripley, chargé par un milliardaire américain de ramener à San Francisco son fils Philippe qui passe de trop longues vacances en Italie auprès de sa maîtresse Marge. Tom entre dans l'intimité du couple et devient l'homme à tout faire de Philippe, qui le fait participer à toutes ses aventures sans cesser de le mépriser.
Dans Plein soleil, Alain Delon, qui incarne le personnage créé par la romancière Patricia Highsmith en 1955, irradie littéralement l’écran. Son charme vénéneux, sous le soleil éclatant de l’Italie, est au service d’une sombre histoire de convoitise et de meurtre. Impossible de ne pas être fascinés par le magnétisme du comédien...
Après ce film qui a totalisé plus de 2,4 millions d’entrées dans les salles hexagonales, la carrière d'Alain Delon prendra définitivement son envol dans les années 60. De Luchino Visconti à Henri Verneuil en passant par Jean-Pierre Melville, le comédien ne cessera dès lors de tourner avec des réalisateurs de renom.
Rocco et ses frères
Dans une situation d'extrême pauvreté suite au décès de son mari, Rosaria quitte la Calabre pour avec ses enfants pour vivre à Milan. Elle y retrouve son aîné, Vincenzo, et ils s'installent dans un taudis. C'est alors que deux de ses fils, Rocco et Simone, se prennent de passion pour la boxe et commencent à essayer d'en vivre.
Sixième long métrage de Luchino Visconti, Rocco et ses frères est une tragédie grecque centrée sur la dislocation d'une famille (un thème cher au cinéaste), réunissant la trop rare alchimie entre un scénario bien écrit, des acteurs remarquables, une direction photo sublime et une composition sans faille.
Le Samouraï
Jeff Costello, dit le Samouraï est un tueur à gages. Alors qu'il sort du bureau où git le cadavre de Martey, sa dernière cible, il croise la pianiste du club, Valérie. En dépit d'un bon alibi, il est suspecté du meurtre par le commissaire chargé de l'enquête. Lorsqu'elle est interrogée par celui-ci, la pianiste feint ne pas le reconnaître. Relâché, Jeff cherche à comprendre la raison pour laquelle la jeune femme a agi de la sorte.
" Il n'y a pas de plus profonde solitude que celle du samouraï. Si ce n'est celle d'un tigre dans la jungle..." Tiré du livre du Bushido, cette citation ouvre le chef-d'oeuvre de Melville. Ce fauve traqué, racé, élégant, toujours sur le qui-vive, a les traits d'Alain Delon, qui trouve ici un de ses plus grands rôles, incarnant sans doute la quintessence du tueur à gages.
Le Samouraï est une référence pour de nombreux cinéastes, parmi lesquels John Woo et son compatriote Johnnie To, Jim Jarmusch, Martin Scorsese, Quentin Tarantino, Joel Coen, Michael Mann pour n'en citer qu'une poignée. Toutefois, si ces cinéastes n'hésitent pas à reprendre les motifs du film de Melville, ceux-ci recourent néanmoins à des principes de mise en scène radicalement opposés. Le style de Melville étant à l'inverse une ode à l'épure semblable aux estampes japonaises. Admirable.
La bande-annonce du "Samouraï" :
