Sur le papier, on pourrait croire que The Serpent Queen est une énième série historique américaine sur l’Histoire de France. Sauf qu’elle se distingue des autres par son ton et un certain panache. Rencontre avec Justin Haythe, le créateur de la série et les deux actrices qui jouent la méchante Catherine jeune et adulte : Liv Hill et Samantha Morton.
AlloCiné : Justin, qu’est-ce qui vous a poussé à écrire cette série ?
Justin Haythe : C’est le livre de Leonie Frieda, Catherine de Medici – Renaissance Queen of France. J’ai vu en elle une femme ultra moderne. Une femme de pouvoir comme on peut en voir de plus en plus aujourd’hui. À l’époque elle a mené tellement de combats pour survivre et protéger ses enfants qui ont régné sur la France.
Et puis, c’est une anti-héroïne. C’est un peu la Tony Soprano ou la Michael Corleone au féminin. Elle était vraiment prête à tout pour survivre. Je la trouve fascinante et je voulais donner vie à son histoire sur l’écran.
Pour moi, l’idée de la royauté est absurde. Comme si Dieu choisissait une personne pour le représenter et régner sur toutes les autres, c’est ridicule. Et c’est important de montrer que cet état d’esprit perdure. C’est absurde et pourtant on voit bien qu’il y a encore une fascination pour la monarchie.
Quel type de défi a représenté l’adaptation du livre de Leonie Frieda ?
Justin Haythe : C’est un livre tellement riche en détail et en informations. Il fait presque 500 pages et c’est une œuvre magistrale. Donc il m’a fallu prendre quelques libertés pour dramatiser ce contenu tout en restant fidèle aux évènements historiques qui ont bien eu lieu. C’était important pour moi de respecter l’Histoire de France et d’honorer cette grande femme, qu’on l’aime ou pas.
L’épopée de Catherine est incroyable, de ses 14 ans, venant d’Italie et devant épouser le roi de France, Henri II, et jusqu’à sa mort à l’âge de 69 ans. Quelle vie ! Une vie qui l’a fait régner sur la France, à travers ses fils, pendant presque 40 ans. C’est incroyable ce destin, même si elle s’est crue damnée par moments, notamment parce qu’elle a eu du mal à enfanter.
Comment êtes-vous rentrée dans la peau tellement complexe de Catherine de Médicis ?
Liv Hill : Pour moi, c’est passé par son regard. En étudiant les peintures qui la représentent, j’ai remarqué qu’il y a une intensité dans ses yeux qui semblent en permanence en alerte. Sans doute à cause des dangers auxquels elle était exposée. Elle était toujours en alerte et sur le qui-vive. J’ai donc tenté de l’interpréter avec cette optique.
J’ai découvert que Catherine venait d’un orphelinat et cela m’a permis d’imaginer qu’elle devait avoir une démarche réservée avant de devenir reine. Une fois reine, elle devient plus sûre d’elle et plus affirmative. C’est la posture du pouvoir qui domine.
Samantha Morton : Mes nombreuses conversations avec Justin Haythe et la réalisatrice Stacie Passon m’ont permis de mieux comprendre qui était Catherine et ce qu’elle représentait. De temps en temps mon personnage parle directement à la caméra et ça a été un peu déstabilisant au début car cela m’obligeait à "sortir" de mon personnage. Mais je m’y suis vite habituée et le reste du tournage s’est bien passé.
En quoi Catherine de Médicis était-elle une femme moderne et en quoi est-ce une série d’actualité ?
Liv Hill : La manière dont la série est filmée donne un ton moderne à cette fresque avec des personnages qui s’adressent à la caméra. Les thèmes aussi sont d’actualité comme celui d’être une outsider dans un monde qui vous est étranger. C’est le sujet des immigrants qui est mis en lumière avec elle et comme il est difficile de s’intégrer dans une communauté qui n’est pas la vôtre.
Même si les inégalités entre hommes et femmes étaient encore plus sévères à l’époque, on voit bien que c’est toujours un combat d’actualité. Et puis, la série parle de la corruption politique de l’époque et cela ne peut que résonner avec tous les régimes corrompus qui nous déstabilisent tous.
Catherine était vraiment une anti-héroïne et elle surprend par sa modernité et sa combativité. Des traits qui sont parfois la marque de fabrique de certaines femmes de pouvoir de nos sociétés modernes.
Samantha Morton : Au départ c’était une femme comme une autre venant de nulle part et elle est devenue la reine que l’on sait. Elle s’est efforcée de faire la paix et de donner un maximum de stabilité à son royaume. C’est une femme forte comme on en trouve aujourd’hui en politique. En ce sens c’est une femme moderne et en avance sur son temps. Car à cette période de l’Histoire les femmes n’étaient en aucun cas l’égal de l’homme et elles n’avaient aucun droit.
Qu’avez-vous appris sur Catherine et cette période qui vous a surpris ?
Samantha Morton : Tout m’a surpris car je ne suis pas une historienne et je ne connaissais rien à son histoire et à cette période. Catherine a été l’instauratrice en France de la liberté de conscience pour les protestants et elle a instauré la liberté de culte. Ce fut aussi un grand mécène pour les arts. Elle s’entourait toujours d’artistes, de poètes, de musiciens et d’hommes de lettres.
Ça a été un honneur de jouer Catherine de Médicis d’autant qu’il y a 20 ans, personne ne voulait me donner la chance de jouer un rôle en costume. Certains me trouvaient trop "classe moyenne". Eh bien, regardez-moi maintenant : je suis la reine de France !