De quoi ça parle?
Élise à Brest, Alexia à Saint-Etienne, Cécile à Compiègne ou encore Jill à Marseille : elles sont des milliers de jeunes femmes à dénoncer les violences sexistes, le harcèlement de rue et les remarques machistes qu’elles subissent au quotidien. La nuit, armées de feuilles blanches et de peinture noire, elles collent des messages de soutien aux victimes et des slogans contre les féminicides. Certaines sont féministes de longue date, d’autres n’ont jamais milité, mais toutes se révoltent contre ces violences qui ont trop souvent bouleversé leurs vies. Le sexisme est partout, elles aussi !
Les colleuses au cinéma ! Après avoir été présenté en séance spéciale au Festival de Cannes 2022, le doc Riposte féministe arrive en salles. A notre micro, le tandem de réalisateurs, Simon Depardon et Marie Perennès s'est confié sur le point de départ de ce projet.
"C'est un mouvement qui nous intéressait énormément. Nous habitons à Paris, nous en voyions beaucoup. On connaissait le fonctionnement du mouvement de loin, explique Marie Perennès. Un jour, nous sommes allés avec notre productrice Claudine Nougaret à une manifestation à Montpellier, organisée par le collectif, où plein de personnes ont pris la parole pour témoigner, dire leur soutien, raconter, et c'était une image hyper puissante, hyper forte, par les paroles qui étaient prononcées à ce moment-là. On s'est regardé et on s'est rendu compte qu'il n'y avait pas un seul média, radio, télévision... Rien pour capter et garder cette parole. Je crois que c'est vraiment à ce moment là qu'on s'est dit qu'il fallait en faire un film, un film de cinéma. Il faut que cette parole existe à l'écran, qui leur rend hommage."
Avec pour intention de montrer cette jeunesse, comme une photographie à un instant T. "La question est "comment on agit ?" Montrer une jeunesse qui n'est pas apathique. Peut être que tout le monde ne vote pas, mais en tout cas il y a une volonté démocratique de participer au débat. On voit qu'il y a une jeunesse prête à discuter".
Comment toucher un large public ?
L'objectif du tandem était aussi de pouvoir sensibiliser à ce sujet, et ne pas s'adresser uniquement à des personnes déjà intéressées par le sujet. Comment toucher un public le plus large possible avec un documentaire comme celui-là ? Nous leur avons posé la question.
"Déjà on a fait ce film en parité pour cette raison. Pour nous, c’était extrêmement important d’avoir à la réalisation une équipe paritaire qui allait permettre justement peut être d’équilibrer tous ces différents niveaux de discours." Et d'ajouter : "L’idée, c’était vraiment de ne pas emprisonner les gens dans un discours, avec des interviews face caméra et des jeunes féministes qui pourraient dire que c’est comme ça qu’il faut penser, agir, faire. L’idée était de donner à voir ce qui se passe pour éveiller à cet endroit là les consciences."
Dans ce but, le film prend le parti de privilégier des séquences de groupe : "On veut laisser au spectateur la possibilité de se faire son propre avis, poursuit Simon Depardon. L'idée était de pouvoir être dans le quotidien, comme une petite souris autour d'elles. Ce ne sont pas forcément des séquences très longues, mais laisser le groupe vivre. C'est en filmant le quotidien que peut jaillir un réel qui va beaucoup nous renseigner sur la façon dont elle travaille et de ce qu'elles ont envie de dire". Le film a été tourné sur 5 mois, en temps de pandémie.
Une présentation remarquée à Cannes
Pour mémoire, le film avait été présenté à Cannes, avec une montée des marches retentissantes. Des membres du mouvement Les colleuses, venues de toute la France, ont déroulé une banderole portant les noms des 129 victimes de féminicides.
"Faire réagir, faire peut être prendre conscience... En tout cas questionner, interroger, créer des dialogues, des émotions. La projection à Cannes était riche de tout ça. C’était une journée riche en émotion. Qu’elles se rencontrent, c’était revigorant et énergisant pour nous tous", explique Marie Perennès.
"On était heureux de cette sélection. Je pense que c’est intéressant que le Festival de Cannes et Thierry Frémaux aient pris la décision de montrer un film comme celui-là. Au-delà du sujet politique, je pense que c’est aussi la forme du film qui a séduit", poursuit le tandem.
"C’est intéressant, parce que d’une certaine façon, on sait que ça sert au Festival d’avoir un film féministe, et ça sert aussi à la visibilité. Nous, on pense que c’est bien. On sait qu’il n’y a que 20% des films qui sont réalisés par des femmes. Donc mettre ce film ici, faire une action, ça permet d’en parler et c’est ça le plus important."
Riposte féministe est à l'affiche ce mercredi 9 novembre.