AlloCiné : Vous êtes cette année à Cannes pour deux films, mais aussi sous l’impulsion de la SACEM, afin de monter les marches avec d’autres compositrices et compositeurs : pensez-vous que votre métier est assez mis en valeur ?
Uèle Lamore : Je pense qu’en France il y a du chemin à faire sur la place des compositeurs de film, car c’est un métier du cinéma et de la musique, et cela pourrait être mieux mis en avant. Mais ce n’est plus fermé comme avant, il y a de plus en plus de musiciens qui ne font pas que des musiques de films et qui sont auditionnés pour en faire. Ça va dans le bon sens.
En Angleterre et aux Etats-Unis, la musique a toujours été sur un haut niveau, et je ressens que ça prend ce tournant en France. Je suis donc très heureuse de pouvoir participer à ce genre d’évènements valorisant notre travail, mais je trouve surtout cela important d’être à Cannes pour soutenir Riposte féministe et être avec l’équipe, qui plus est parce que c’est un premier film.
Comment s’est déroulé votre travail sur Riposte féministe, pourquoi avoir accepté ce projet ?
Uèle Lamore : Au-delà du sujet qui est traité dans Riposte féministe, ce que j’ai bien aimé c’est que ce sont deux réalisateurs très jeunes (Marie Perennès et Simon Depardon). On se rejoignait sur beaucoup de points et j’ai beaucoup aimé la manière dont ils traitent ce sujet qui n’est pas forcément facile pour un film grand public. J’ai trouvé que c’était fait avec une grande intelligence et je pense que ça peut véritablement faire évoluer les mentalités.
Ca a été très long de trouver le son que j’allais donner à ce film parce que c’est un peu particulier, c’est un film documentaire avec des images de films de colleuses etc.. mais à force de tester on a trouvé la bonne formule.
Qu’est-ce qui vous plaît dans le fait de composer des musiques de film ?
Uèle Lamore : A côté des musiques de film, je fais de la production et de la composition pour des projets personnels et c’est donc un travail forcément assez nombriliste. Du coup, j’aime beaucoup pouvoir faire des musiques de film car il y a cette sensation de faire partie d’une grande entreprise, où chacun doit faire son travail pour garantir le résultat. Ça remet les pieds sur terre.
Puis ce que j’aime aussi, c’est que c’est un domaine où l’on peut vraiment expérimenter et repousser beaucoup de limites, là où pour faire des disques il faut penser à créer des sons écoutables sans l’image. C’est vraiment quelque chose qui me porte et que je veux continuer de faire.
Avez-vous des BO qui vous inspirent et/ou qui vous ont particulièrement marqué ?
Uèle Lamore : Ce qui m’inspire ce sont les compositeurs qui cherchent à trouver des sonorités que l’on n’a pas l’habitude d’entendre, qui expérimentent. Mais il y a aussi des musiques comme celle du Seigneur des Anneaux qui me touchent particulièrement, du fait de l’immense recherche qui a été faite pour trouver les sons que l’on aurait pu entendre dans ce monde.
Il y a un documentaire fascinant qui explique tout le processus d’Howard Shore. Quand on voit le résultat final on ne peut qu’être émerveillé, tout va si bien ensemble, c’est parfait ! Et clairement, Le Seigneur des Anneaux sans sa BO, ça n’est plus Le Seigneur des Anneaux. Sinon je suis une grande fan de tout le travail de Jonny Greenwood, notamment sur There Will Be Blood ou Spencer.
Si vous deviez citer une BO que vous auriez rêvé de composer :
Uèle Lamore : Celle d’Alien, le huitième passager.
Avez-vous en tête des réalisateurs avec lesquels vous reveriez de travailler ?
Uèle Lamore : Je suis très admirative de Jordan Peele et Ari Aster. Moi qui suis une grande fan de l’horreur, je trouve que ce sont deux artistes qui renouvellent réellement le genre donc pouvoir créer une BO pour eux ça serait un rêve. Et sinon j’adore Park Chan-wook et Kathryn Bigelow.