Voici notre entretien exclusif avec Michael Marino, le concepteur du maquillage prosthétique de The Batman, nouvelle aventure du Chevalier noir avec Robert Pattinson.
AlloCiné : Lorsque vous vous êtes retrouvé face au défi de devoir donner visuellement vie au Pingouin de l'univers Batman, quelle a été votre première réaction et les premières étapes de conception ?
Michael Marino : Avant tout, je suis un grand fan du Pingouin depuis son apparition sous les traits de Burgess Meredith dans la série télé Batman de 1966. J'aime beaucoup la série et les comics, que je collectionne. (...) J'aime aussi beaucoup les films de Matt Reeves, de Cloverfield à La Planète des singes, j'étais donc totalement partant pour faire un Batman avec lui.
Pour le Pingouin, je voulais que la qualité des comics soit traduite au maquillage, et pas seulement le grossir avec un ajout de faux nez. Je voulais le personnifier, ce qui collait au monde réaliste dans lequel [The Batman] se déroule. Pour placer ce personnage fantaisiste dans ce monde réaliste, j'ai pris le risque de le grandir un peu et d'y ajouter une touche comics.
Je me suis aussi basé sur les suggestions de Matt, qui me parlait de Bob Hoskins et John Cazale, qui joue Fredo dans Le Parrain... comme un parfum de Tony Soprano avec celui des gangsters old school des années 40. (...) J'ai mélangé tout cela et j'ai obtenu ce que l'on voit. C'est ma méthode préférée pour maquiller.
Vous avez mentionné la version de Meredith, il y avait déjà eu plusieurs incarnations du Pingouin à l'écran, est-ce que vous vous en êtes inspirées ou les avez-vous ignorées ?
Je ne dirais pas que je les ai ignorées, mais je ne les ai pas utilisées comme références directes. J'aime ce que Stan Winston [légende du maquillage et des effets spéciaux, NdlR] a fait pour maquiller Danny DeVito [dans Batman, le défi]. Evidemment que cela figure au panthéon de notre culture cinématographique, mais je ne pouvais pas refaire ça, ce n'était plus le même monde. Et la version de Burgess Meredith était un peu trop comique pour notre ton.
Je crois qu'il y a aussi une série appelée Gotham dans laquelle le Pingouin a un nez pointu, mais ce n'était pas non plus notre référence. (...) Je voulais apporter ma touche personnelle basée sur ma connaissance des comics, du personnage, de son visage et de sa vie (...).
Vous et votre équipe avez créé des prothèses pour le visage du personnage, comment cela s'est-il déroulé ?
A l'origine, ma sculpture concept s'est faite sur le visage de Colin Farrell avec les yeux ouverts et la bouche légèrement ouverte. Colin est très doué pour suivre les instructions. Puis j'ai transformé cette sculpture concept en une sculpture d'argile. J'y ai placé un noeud papillon et un monocle, puis j'ai sculpté ses cheveux comme s'il allait être chauve, ajouté des marques de la variole sur ses joues et une sale cicatrice en travers du visage. C'était censé être un gangster, donc on restait dans le thème du film.
Nous avons conçu les pièces elles-mêmes : une nuque reliée à un menton, des joues, un nez, une lèvre supérieure, un front, des sourcils et une paupière enflée ainsi qu'une perruque partielle se mêlant aux cheveux [de Colin Farrell].
L'équipe était constituée de Mike Fontaine pour les textures et les détails de maquillage, d'Izzi Galindo pour les sourcils et de Sasha Camacho Van-Dyke pour les cheveux. Nous avons tout testé avec succès. On les a présentées à Matt et à la production et Colin en était tout retourné. Je crois que ça fonctionnait vraiment. Ma première sculture est celle que nous avons utilisée dans le film. Tout était en Platinum silicone et en matrices polyépoxydes syntactiques avec nuque démontable.
Pourquoi avoir ajouté des fausses dents au Pingouin ?
Je voulais que du côté de sa cicatrice, quelque chose soit arrivé à une de ses dents, comme si un combat les avait endommagées suite à la cicatrice. (...) Si vous regardez son visage, un côté a une cicatrice, une paupière gonflée et la dent... tout du même côté, même son nez, lui aussi balafré et un peu cassé.
Je pensais que c'était intéressant de ne pas mettre ces choses juste parce qu'elles sont cools, mais aussi d'ajouter une histoire au maquillage. Il a une dent en or car c'est un gangster qui veut frimer. Il ne cache pas sa dent, il affiche qu'il est un gangster, un maquereau, qu'il a de l'argent et qu'il apprécie l'or.
Combien de temps prenait la transformation de Colin Farrell en Pingouin ?
Le test initial a pris quatre heures, et nous sommes finalement parvenus à le réduire à deux heures.
Que faisait Colin Farrell pendant tout ce temps passé au maquillage ?
Il s'asseyait avec une grande patience pendant qu'on lui collait tout cela. Et une fois qu'il portait le maquillage, il prenait immédiatement la voix [du personnage, un accent italo-américain]. Claire Flewin lui a aussi construit son sous-costume, qu'il portait sous ses vêtements.
Une fois qu'il avait tout cela, il était complètement libre, devenait une autre personne, un personnage différent avec une démarche étrange, une voix nouvelle, en se dandinant comme un pingouin. C'était très, très cool.
Notre interview avec Matt Reeves sur sa vision de Batman :