Extraordinaire fresque historique sortie en 1994, sompteux ballet de sang et de mort se déroulant dans un royaume de France du XVIe siècle déchiré par les querelles religieuses qui déboucheront sur les massacres de la Saint Barthélémy, La Reine Margot a débarqué en majesté sur la plateforme Netflix depuis le début du mois de mars. L'Histoire de France comme vous ne l'avez jamais vue, et comme vous ne la reverrez plus jamais.
En revoici d'ailleurs la bande-annonce...
Un chef-d'oeuvre né dans la douleur
C'est peu dire que le travail d'adaptation de l'oeuvre touffue d'Alexandre Dumas fut un chemin de croix pour le regretté Patrice Chéreau. Epaulé par Danièle Thompson à l'écriture, il lui faudra cinq ans de préparation et pas moins de neuf versions différentes du scénario pour parachever sa vision de cette tragique période; une vision d'une noirceur absolue, capable de délivrer un film à la fois spectaculaire et très personnel.
Le cinéaste, venu du monde du théâtre, se défendait d'ailleurs d'avoir fait un film historique tel qu'on pouvait le conçevoir au sens traditionnel du terme. "Pour moi, les films historiques étaient largement compassés, décrivant longuement ce qu'il se passe à l'écran. Je me suis dit qu'il fallait que le film raconte notre histoire d'aujourd'hui, qu'on puisse penser à la fois que ce sont des gens très lointains de nous. Et que ce sont des gens qui vivent les mêmes choses que nous aujourd'hui" racontait-il.
Largement irrigué par l'influence des oeuvres de peintres comme Goya ou Francis Bacon, Patrice Chéreau sublime aussi son récit dans une recherche esthétique fascinante même dans l'horreur. "C'est un film d'une brutalité et d'une sauvagerie très immédiate" disait-il. Son oeuvre trouvera d'ailleurs un troublant écho avec l'actualité de l'époque, alors que l'ex Yougoslavie était déchirée par une guerre dont les caméras du monde entier révélaient l'ampleur des massacres.
Bénéficiant d'une couverture médiatique exceptionnelle, La Reine Margot est reçu au Festival de Cannes en mai 1994, en même temps qu'il est projeté dans toute la France. Si le film est reparti avec le Prix du Jury et le Prix d'interprétation féminine pour Virna Lisi et sera auréolé par la suite de cinq César dont celui de la Meilleure actrice pour Isabelle Adjani, certains lui reprochèrent déjà sa durée excessive, alors de 2h39, sa confusion, et surtout sa violence qui en mettait plus d'un mal à l'aise.
Dans un même temps, le film fut dès le départ pensé comme un produit d'exportation à l'attention du marché américain. Devançant un accueil probablement mitigé, le distributeur américain de l'époque, Miramax, pris la décision, avec l'accord de Patrice Chéreau, de raccourcir le montage à 2h23. Cette version fut également projetée en France (en fait d'une durée de 2h18, la vitesse de défilement de l'image n'étant pas la même en France), et remporta un grand succès, avec plus de 2 millions d'entrées.
S'il existe une version longue du film de 162 min, et même une version de 174 min destinée aux spectateurs germanophones, la version disponible sur Netflix correspond au montage de 152 min, sorti en 2008 lors de la parution du film en DVD chez nous, et approuvé par le réalisateur.
Danièle Thompson citait les séries Les Borgia, les Tudors, Game of Thrones, comme autant d'exemples de la postérité du film, par leurs approches esthétique, la violence et le réalisme de leurs univers. On ne saurait faire plus beau compliment à La Reine Margot, porté haut par un fabuleux casting au milieu duquel émerge notamment un génial Jean-Hughes Anglade sous les traits du roi Charles IX qui trouve peut-être ici son meilleur rôle, et un non moins génial Pascal Greggory en prince Henri, le futur roi Henri III qui sera assassiné par un moine fanatique.